manquer d'air

« Y’avait toi nulle part pis desfois ça me faisait manquer d’air. »

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J’étais une tornade. Une pas pire grosse. Par là j’veux dire que j’étais mêlée. Je me convainquais beaucoup que je l’étais pas, par exemple, pis j’pense que tu me croyais quand j’avais l’air sûr de moi. J’étais insécure dans l’fond.

J’étais insécure sauf je pensais qu’on allait résister à toute. Aux tempêtes, aux embûches, aux ouragans, pis même à la tornade que j’étais. Je pensais qu’on était un antidote à la mort. Je nous ai pris pour acquis parce j’nous aimais trop fort. Je fais toute tout croche.

C’était lundi, pis comme les derniers jours je m’étais levée un peu sur le qui-vive. J’ai sursauté à moitié en regardant les quatre murs blancs qui m’entouraient, m’enfermaient, en voyant les boîtes par terre, en sentant la place froide à côté de moi dans mon lit double. Tu disais toujours que je dormais tout croche dans le lit, que j’prenais toute la place, c’est là que j’aurais pu t’prouver que t’avais tort; la place à côté de moi était intacte, les draps à peine tirés. J’étais recroquevillée sur la gauche, côté du cœur de mon deux-places, un oreiller dans les bras.

Premier lundi de mars, c’avait été rough déménager toute seule avec mes petits bras pas capables de faire des chin-ups pis mes cinq pieds de hauteur. Cessation de bail triste que j’avais signé à la va-vite après avoir visité une dizaine d’appartements dégueulasses à Montréal pis de m’être fait couper l’herbe sous l’pied par des locataires plus intéressants qu’moi quand c’avait un peu d’allure. Desfois c’avait beau être sur le Plateau, avec mon budget de fille-toute-seule, les apparts étaient minuscules avec des taches sur les murs. Y’a fallu que je laisse faire mes grands rêves de bourgeoise pour mettre le cap vers Hochelaga. Toutes des cessations de bail, tout le monde voulait crisser son camp de là-bas. Quartier à mauvaise réputation, j’ai pensé bien m’y fondre.

Notre appartement à nous était beau. Y me ressemblait pas, par exemple. Y te ressemblait pas tout à fait non plus.

C’était terne. Beige. Brun.

Température pièce, sans tumultes.

On était pareils, desfois, toi pis moi.

On se chicanait pas, mais vers la fin ça nous a vidés quand même.

Je repense aux fois où j’ai essayé de mettre des saveurs dans nos journées qui commençaient à s’empiler, quand j’mettais ma bouche fraîchement pulpée proche de toi pour que t’aies envie de me frencher fort. Tu pognais jamais le hint. Pis quand je repense à ça, j’me dis que j’aurais dû forcer plus fort. C’était peut-être toute de ma faute.

Y faisait froid, dans mon appart. J’ai tiré la couverte par-dessus ma tête, j’avais déjà pas envie de me lever.

L’année commençait mal. Fuck you.


Printemps. Saison du ménage, du renouveau pis toute. On était en break qu’on avait dit. Je m’ennuyais fort pareil de tes grands yeux bruns et de ton crâne rasé. Nos lèvres s’emboîtaient comme les pièces d’un casse-tête, pis j’étais au courant que j’allais jamais retrouver ça avec personne. Y’a des trucs de même qui s’peuvent pu après. Je savais pas si c’était plus facile de recommencer à neuf dans un appart avec aucunes traces de toi nulle part ou si ça te faisait du bien de t’asseoir sur le même divan où on avait l’habitude de se serrer. Aucuns souvenirs de toi chez moi. Juste mes deux chats qui traînent un peu partout, me rappelant que l’autre moitié de la meute était chez toi.

Mon lit sentait pas toi. Aucunes réminiscences de frenchs dans ma cuisine, aucuns rappels de douches collés-collés dans ma minuscule salle de bain. Y’avait toi nulle part pis desfois ça me faisait manquer d’air.

Jai peinturé les murs comme les tropiques. Besoin de soleil pis de vitamine C. Celui qui passait au travers mon rideau était pas assez pour recoller les morceaux. J’étais pas Marie Kondo pentoute, j’avais beaucoup trop d’affaires chez moi. Impossible de me délester de ma vieille paperasse. On remplit les garde-robes. Des lumières partout pis des plantes pour faire comme si.

Comme si tout allait bien.

Je me demandais souvent si t’aurais aimé ça chez nous. T’aurais sûrement été impressionné de comment je fais assidûment ma vaisselle, et de comment c’est propre dans le trois et demi. Je me demande si t’aurais fait de l’insomnie dans ma chambre, ou si le matin t’aurais insisté pour qu’on se lève pas tout de suite. T’aurais été trop ben. Mes draps, tu les aurais aimés pis t’aurais trouvé qu’y sentent moi ‘faitque t’aurais voulu rester emmitouflé dedans longtemps. Emmitouflé dans mes couvertes ou dans le creux de mon cou, chez moi t’aurais aimé ça m’embrasser le cou. Me faire des sucettes. On aurait souvent fourré le matin, après on se serait fait un café pis j’aurais peut-être même commencé à fumer juste pour le cliché.

J’aurais aimé ça te voir sourire assis à table, avec le soleil passant par la fenêtre de la cuisine. T’aurais été crissement beau avec la lumière en arrière de toi. Je sais que les ombrages dans ta face m’auraient donné l’goût de t’prendre en photo, pis ça t’aurais haï ça mais dans le fin fond ben profond t’aurais été flatté un peu. Pis qu’on s’embrasse contre mon frigidaire avant que je sorte la sriracha parce que j’en aurais acheté rien que pour toi parce que moi j’trouve ça dégueulasse. Tu m’aurais vu être responsable pis autonome, ça t’aurait peut-être excité. La passion serait revenue, c’aurait été du nouveau. Le début d’autre chose. D’une nouvelle vie. Ensemble.

Parce qu’on était faits pour être ensemble, pis je le pense encore. C’était trop naturel nous deux pour arrêter de même. C’aurait pas dû arrêter de même.

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rien de charmant