rien de charmant

« Faut tu être assez conne pour oublier les autres poissons dans l’eau. »

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Folle. C’est comme ça que tu me faisais sentir. Quand tu comprenais pas les mots qui sortaient de ma bouche. Quand je te disais des phrases mais que tu les décortiquais en y apposant des suppositions un peu partout. Tu mettais ta touche sur ce que j’avais à te dire. J’ai eu la même manie souvent, sauf moi c’était pour essayer de te comprendre pour te connaître plus que je me connaîtrai jamais. Toi c’était pour me rendre folle.

Je sais pas pourquoi j’ai tant été surprise que tu m’aides pas à trouver un appartement. À déménager. Peinturer. Placer. Que t’aies pas été là quand j’ai décidé de mettre la chambre dans le salon pis le salon dans la chambre. Ou ben, des fois je me dis que j’ai sûrement pas été assez surprise. Je te laissais toute faire comme si c’était normal, faute d’être compréhensive toujours en train de me faire marcher sur les pieds. Je suis pas restée fâchée contre toi assez longtemps. L’amour inconditionnel, t’aimer plus que les enfants que j’ai pas encore. Criss. Laurence Anyways.

Les écouteurs dans mes oreilles avaient pas empêché le vieux monsieur à qui j’ai laissé ma place de vouloir me jaser. J’ai enlevé un écouteur, y me disait merci encore une fois. J’ai souri un derien. Le monsieur m’interpelle encore y se sentait seul, lui aussi, ça paraissait. M’a demandé c’que j’écoutais. M’a parlé de la musique que lui écoutait. Qu’il jouait de la musique lui aussi. Qu’il avait été dans un band. J’ai enfin débarqué à ma station. Toi ça t’aurait sûrement gossé qu’il s’étale de même, moi ça m’avait rendue triste. Me suis perdue dans ma tête, parce que je réalisais que tout le monde avait des vies que j’allais jamais connaître. Aussi y’avait ta vie à toi que je connaissais pu non plus.

J’étais jalouse de la tasse de café que tu frenchais sûrement encore chaque matin, pis de la chaise que tu prenais par le dos pour la reculer avant de t’asseoir dessus.

Ça faisait longtemps que tu m’avais pas brassée.

Sauf ma peine tirait sur l’égoïsme. Trop d’existences autour de moi qui faisaient pas de sens. Trop de personnes qui allaient vite tomber dans l’oubli. L’oblivion. Ma plus grande peur, être mise de côté. Qu’on s’en souvienne pu, de moi pis ma petite vie tranquille. De moi pis mes chats pis mes stories pis mon appart laid pis de mes études que j’ai pas fini pis de mon compte en banque vide. Peut-être mieux de même finalement, j’aime mieux pas m’en souvenir non plus.

Un party pour me remonter le moral un peu, même si je me répétais la même phrase : « J’me suis pas faite dompée, c’tait une décision commune. » Je reste une épave.

Le locataire numéro un de l’appartement me salue : « Comment tu vas? T’as l’air poquée en criss. »

« J’suis déprimée à cause d’un monsieur dans le métro, c’a pas rapport avec mon ex. »

Toi, mon ex. Toi, la suite logique des lovers que j’ai eu. Je les choisis mal. Ils m’aiment toute pas assez, je les choisis trop indépendants pour mon besoin d’attention irréparable. Une Instababe même à la maison, like moi svp. Écris un commentaire sur mon corps, bodypaint moi à ‘grandeur m’en fous que t’aies pas de crayons.

Crie-le au pire, juste me montrer que j’existe un peu des fois.

« Arrête de jaser aux messieurs dans l’métro. »

J’ai regardé autour de moi le bouquet de jeunes adultes qui tapissaient le salon, évachés sur le sofa, avec leur taille-haute qui leur faisait une drôle silhouette. J’en portais un moi aussi, j’fittais avec la horde. J’avais beau me sentir mouton noir, je restais un mouton pareil. Est où ma fable.

À la cuisine, on m’a lancé une canette de bière que j’ai attrapée à ma grande surprise. On m’accueillait à coups de shotguns ça allait toute scrapper mon rouge-à-lèvres foncé-mais-pas-trop mais j’ai faite comme si rien n’était pis on a tous sorti notre trousseau de clés. Toc résonnant, fluides qui explosent et dégoulinent dans nos mains, j’avais les doigts collants et les lèvres collées sur ma tiède blonde. Ma blonde Blue Ribbon, très moins glamourous que dans la toune de Lana Del Rey. Stealin’ police cars with senior guys, non moi je prends toujours le bus. Trois-quatre shotguns encore, pow pow, balle au cerveau.


T’es le centre du monde. Tout tourne autour de toi. Tes mains pis tes yeux. Ton corps. Ton cou. Ton regard sur moi. Ton regard ailleurs, quand je suis pas le centre de ton monde à toi. Quand tes yeux bruns regardent ailleurs que moi qui essaie d’être belle. Tes mains ailleurs que sur la peau que j’ai parfumée pour ton nez. Tes papilles, qui me goûtent pas. J’ai mal quand ton centre est ailleurs. Parce que rien tourne sans toi. Pis ce soir là t’étais ailleurs. Faut tu être assez conne pour oublier les autres poissons dans l’eau.


We all look for heaven and we put love first. J’avais pas soupé avant de venir, je m’étais auto-sabotée. Don’t cry about it, don’t cry about it. Encore combien de shotguns avant que je perde la tête et que je fasse une cruche de moi? À suivre. Pour l’instant je restais dans la cuisine, avais sauté pour m’asseoir sur le comptoir et thank god qu’on pouvait fumer en dedans. Pré-roulé dans ma sacoche, moi pré-roulée dans mon crop-top moulant. Fuck mars pis le reste de ses grands froids, ça me rappelait trop mon lit vide. J’ai regardé autour la marchandise qui s’offrait à moi. Ça faisait longtemps que j’avais pas fourré, je devais me l’admettre. Je savais même pu si j’savais comment cruiser, si je pognais encore. Parce que j’aimais ça cruiser. Avoir l’attention, toujours l’attention.

Like-moi j’ai dit.

Ça faisait longtemps j’avais pas eu de contacts humains, une main dans la pente de mes reins, des doigts qui pressent ma nuque. Je savais pas à quel point ce serait facile d’en choisir un et de le ramener chez moi, ou juste de le frencher sur un des divans. Je savais pu comment la luxure marchait dans la vingtaine, tu m’as fait perdre des années d’expérience. Je fumais ze pot tranquille, j’expirais au plafond qui commençait à jaunir. Tomber dans la lune facilement, ma Saturne est en poisson. And that’s where the beginning of the end begun.

J’ai arrêté de croire à l’amour à mes quinze ans. Je croyais à la coexistence de deux personnes qui se choisissent parce que ça marche bien. Ça m’a peut-être rendue plus dure à aimer de pas croire aux contes de fées. Avoir cru à l’amour plus tôt je serais encore avec toi, j’pense. J’aurais peut-être été plus fine pis plus attentionnée. Plus dans le moment présent. C’était sûrement perdu d’avance avec mes idéaux pessimistes, sur la défensive avec mon grand bouclier pis le mur que je retenais de s’effondrer. Je réalise les choses en retard. J’ai jamais été super assidue, je plâtre les trous pour pas que tu les vois.

Je suis arrivée chez moi dans les trois heures du matin, seule. Petite déception, je savais pas si j’allais finir par m’habituer à ça. Plus qu’éméchée, j’avais les lèvres engorgées de sang; moi pis ma chatte on avait été prêtes toute la soirée. Pu l’choix de m’en occuper moi-même sinon j’allais pas réussir à dormir. J’ai ouvert mon ordi et cherché de la porno potable. Deux filles se soixante-neuf, un gars se crosse en POV, de la desh partout, dèsher dèsher dèsher. Ce mot fucking laid. Scroller. Porno potable parce que très bas standards. La société m’avait tellement brûlé la tête que d’voir une fille se faire venir dans ‘face ça m’excitait. Pas l’choix, moi pis mes envies nous étions accommodées à l’offre. Rien de charmant, j’étais assise sur ma chaise les jambes écartées. Après quatre minutes et le poignet engourdi, j’étais couchée.

Bonne nuit.

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