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- Cocktail molotov -

Cocktail Molotov est une série autofictionnelle. Ça parle de solitude, d’amour, de cul, de toi, de toute pis de rien. Cocktail Molotov c’est pas savoir entre vouloir toute ou vouloir rien, c’est un peu des deux, un juste milieu. C’est la vingtaine à Montréal, les hivers pis les étés. Pleurer sans savoir pourquoi pis des gros highs une fois de temps en temps. Cocktail Molotov c’est être en constante implosion, pis un peu aimer ça.

L’air chaud me prend par surprise quand je passe la porte patio. Le scring refermé, je peux voir mon appart strié par des milliers de petites barres de fer. Petite prison confortable. La prison c’était ma tête, je fantasmais d’être prisonnière de toi. L’amour c’est malsain. Mon balcon a assez de place pour accueillir moi pis la plante verte que j’essaie de faire vivre dans son petit pot de terre cuite. Elle devient peu à peu comme une métaphore de moi, elle commence à s’affaler au sol. Elle manque de fleurs. Trop de soleil, trop d’eau. On est difficiles, moi pis elle. J’aurais aimé ça pas avoir besoin de quelqu’un pour s’occuper de moi. Je m’arrose mal. J’aimais ça quand c’était toi qui m’arrosais; sur le cul, les seins ou dans mon visage. Dévisage-moi, que j’aurais envie de te chuchoter ou de gueuler assez fort pour que tu m’entendes. Les autos passent et les oiseaux chantent, l’été me crache dessus. Les enfants marchent sur le trottoir me rappelant que j’en suis plus une, accompagnés de leurs parents qui, eux, me rappellent que je suis pas tout à fait adulte encore. Je vais exploser.

Jasmine Craan Jasmine Craan

les pixies

« ‘cause I’m a ride or die, whether you fail or fly. »

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Le après-toi est arrivé vite. Est arrivé comme une claque dans face.

Le après-toi a fait du bien, du moins, tomber amoureuse du bleu de son au-complet. Bleu, couleur de l’immensité. De la contemplation. La paix, le rêve. Bleu c’est le ciel d’été, le ciel la nuit. L’océan qui aurait pu nous séparer mais que non on s’est trouvés, quelle fucking chance.

Blue jeans, white shirt

Le printemps a été beau comme ça faisait longtemps qu’il l’avait pas été. Date après date. Rencontre après rencontre. Carrie Bradshaw en plein cœur de Montréal, avec un peu moins de chaussures.

Plusieurs dates plus belles que celle-là, mais avec moins d’impact.

« Je sens qu’on est au début de quelque chose d’inédit. »

Mai. Première date avec lui, tu l’aurais sûrement trouvé un peu fendant, pédant même. Moi j’aimais ça. Notre premier rendez-vous, cidre sur couverte, lui sur son skateboard moi dans mes Juju. Lui qui arrive en gros cliché et qui les brisent tous devant moi. Ça paraissait que c’est un gars du south shore. Les gars de Montréal étaient pas faits pour moi, je devais retourner aux sources. À mon enfance, en le regardant j’avais l’impression qu’il avait toujours fait partie de mes souvenirs. Les clopes, la musique emo, Ramdam. Sa face, quelque chose de trop familier. Comment il disait les mots, sa façon de bouger pis d’être gêné. Quelque chose de pas Montréal là-dedans, quelque chose qui faisait bouillir mon dedans à moi. Pas être capables d’arrêter de se regarder. Se jauger. Attendre le plus longtemps possible avant le premier rapprochement. Marcher pendant des heures pour se retrouver devant chez moi, passer la nuit à écouter de la musique, finalement s’étendre, s’éteindre, enfin s’embrasser. Les guirlandes de lumières en background emmitouflés dans les couvertes lui qui fait les premiers pas moi qui les aie cherchés en esti. On fait même pas l’amour ce soir-là, mais il passe la nuitte. L’avoir vu partir le lendemain matin avec son skate dans les mains aurait dû me sonner une cloche,

il était un cliché finalement.

J’avais attendu qu’il soit pu dans mon champ de vision du balcon pour enfiler quick quick des vêtements, dévaler les marches, monter mon vélo : direction les copines. Leur parler de lui. Raconter la date. Être gossante. Capoter. J’ai pensé à lui un peu trop souvent les semaines suivantes, son odeur encore dans mon lit, notre musique dans l’historique YouTube de mon ordi, toute pour pas trop décrocher. Regarder son butch traîner sur mon balcon, l’imaginer sans cesse la fumer. Sauf mon crush était en train de passer par-dessus quelqu’un d’autre, lui. Pas de temps pour moi. Comment pas m’être rendue compte que j’allais être son rebound? Ou c’était peut-être pas ça. Rien savoir avec lui, en fait. Si peu mystérieux, mais pourtant si secret. Le Charme des Menteurs.

Love you more than thoses bitches before

Penser à lui, mais un peu moins. Les semaines qui passent. Les mois. L’été. Pu penser à toi non plus. Me remettre de nous. Accepter que tu feras pu parti de ma vie, laisser de la place pour d’autres. Mon cœur aigri qui commence à se radoucir. Me rendre à l’évidence que je vais trouver quelqu’un un jour, que tu étais pas l’amour de ma vie finalement. Être over you et ça faisait tellement de bien. Je pouvais enfin respirer, on aurait dit. Vivre. Je découvrais une nouvelle moi, la métamorphose, sortie de ma chrysalide. Avoir peut-être juste ma petite jambe de pognée dedans encore. J’étais calme. Douce. Pleine de chaleur, une étincelle au bout d’un feu du bengale. Mes murs s’effondraient tranquillement, Halo de Beyoncé, j’avais tellement à offrir. Remember those walls I built? Baby, they’re tumbling down. Revigorée. Les murs de béton qui s’effritaient, tombaient en poussière. Des mains sur moi me faisaient pu raidir, j’arrêtais de me poser mille questions. J’arrêtais de t’attendre et de t’espérer, tu restais juste un bon souvenir pour moi.

Je commençais enfin à être bien, chez nous. Toute seule. L’appart qui sentait bon pis moi qui se trouvais assez bonne, at last. Décider que je méritais plus que mon seul mur pêche, j’ai peinturé la cuisine au grand complet. Maison de Barbie, couleurs easy-bake oven à ‘grandeur. Ça dépassait un peu de partout, mais ça me dérangeait pas. Pu grand chose me dérangeait, toute était beau. Toute prenait forme, ma carrière, mes amitiés, mes projets, moi. Juillet, j’en voulais pu de chum, j’étais bien toute seule. J’étais bien. J’étais bien jusqu’à lui. Jusqu’à lui qui était pas bien. Jusqu’à lui qui avait réussi à pas me faire penser à toi pour un bout encore.

Être tellement bien, tellement que pu jouer de game, au point que je le retexte même s’il m’a pas donné signe de vie depuis deux mois. Juste lui rappeler que moi j’existe, pour le fun.

Une semaine plus tard, m’invite à dormir chez lui.

Murs bordeaux, sa chambre de gars Ikea qui se prend pas trop la tête. La mappe du monde sur son mur, Mappemonde la toune que je mets à pause sur mon cell au pied de la porte. Mon crush en colocation, mais l’appart à nous tout seuls pour ce soir. Passer au travers ses livres de psychopop, rire. Garder nos distances comme si on savait déjà qu’on serait pas un bon mélange, qu’on allait se brûler. Aux deux extrémités du lit, bouillants. Mouillée dans l’attente d’un je-ne-sais-pas-quoi. Me rappeler ses lèvres, de quand elles étaient sur moi. Penser juste à ça. Fuck. Des heures à parler avant qu’il mette sa main sur ma cuisse. L’affection. Se rapprocher tranquillement l’un de l’autre. Déjà presque le levé du soleil. Lui dans moi. Explosions.

Revivre.

Mes mains dans son bleu. Frencher à bout de souffle, se noyer.

Des adolescents. On est back au secondaire, faut pas les parents nous entendent. S’endormir collés, me réveiller à cause de son insomnie à lui. Il avait de la misère à dormir, je saurai jamais pourquoi. Le regarder, me dire que je pourrais continuer à le regarder comme ça vraiment longtemps. Me dégêner pour le flatter, faire ça comme si je le faisais depuis toujours. Notre tradition Ramdam, clopes et flattage de cheveux à 5am. Il colle sa tête contre moi, le front contre mon chest, en éclosion. Il était encore au stade de la chenille, lui, recroquevillé en demi-lune, ses jambes en puzzle avec mes jambes. Flatter ses bras, son cou, son dos, son au complet muté au miens. Sa bouche en baisers papillons sur mes clavicules. Qui descendent. Des heures entre chaque coups de langue, jusqu’à mon nombril. Remarquer à quel point je respire fort. Haleter. J’ai mal à mon corps qui attendait juste d’avoir plus. J’étais déjà impatiente, c’était pas bon signe. Vivre le moment présent, oui, vivre ses lèvres sous mon nombril. L’intérieur de mes cuisses. Me dire que je le laisserais ben me faire ce qu’il veut quand il veut. Que la terre pourrait imploser, je m’en crisserais.

Repartir sur mon vélo le lendemain post-café. Pas de becs pas de câlins. Deux mains mal à l’aise qui s’agitent sans savoir si elles vont se retoucher un jour. Si elles vont s’enlacer à nouveau. Se flatter les phalanges, se goûter les paumes. Si les doigts vont descendre le long de l’autre, mon index dans sa bouche, luisant, peut-être pu jamais.

Trois semaines. Trois semaines dans mon appartement à pas penser à lui. À me dire que je le retexterai pas cette fois-ci. Pu jamais avant un bout. Pas vouloir lui courir après, accepter d’avoir vécu deux belles soirées et que ce soit ça. Voir les amis. Les copines. Les amants. Passer le temps. Gallo. Écrire. Regarder dehors, grande fenêtre pour moi toute seule. Les chats en position Born to die quand je suis assise solo à la table de la cuisine. J’ai besoin de personne.

Un soir chaud, le ciel mer-nocture, bleu-joyau. Je marchais dans le parc les écouteurs trop fort dans mes oreilles pour l’entendre crier mon nom.

« Je sais que ce serait plus poli de prévoir ça d’avance, mais j’ai comme vraiment envie de pogner mon petit skate et de te rejoindre chez vous. »

Troisième date sur une carte oubliée, faux prétexte pour venir squatter mon lit. Squatter mon cœur, ma tête, mon appart, ma vie. Me squatter moi, comme si j’étais un gros divan, canapé, causeuse, sofa. S’asseoir sur moi, m’écraser. M’étouffer. Il m’aimait seulement quand je suffoquais.

Tomber. S’aimer. Fort. Plus rien autour. Cocon. Retour à l’œuf, on veut comme toute recommencer ensemble. Devenir le même grand criss de papillon. Je savais pas encore que c’était nocif qu’il veuille le même pattern que moi sur ses ailes.

You fit me better than my favorite sweater

Août. Ma fête passée, une année de plus à mon attirail, une année de moins à mon destin. L’automne qui approchait un peu trop vite, tout le monde en était content. Faisait chaud pareil. Petite laine par-dessus petite camisole, petites shorts. Jupes courtes. Sueur. Mais petite laine pareil. J’aurais dû plus en profiter.


Changer la musique de ma sonnerie pour savoir quand c’est lui qui m’texte.

« je veux dormir chez toi tu me fends les jambes en huit tu me fracasses le cœur en douze j’veux voir ton air bête j’veux bruncher toi moi congé j’ai envie de toi, fuck je rentre pas tard j’aime toute de toi ton nom ton âme ton corps j’aimerais ta peau bouillante sur moi j’ai fucking hâte de ride or die avec toi »

Septembre ou Vivre dans l’attente de ses messages; je me trouvais chanceuse qu’enfin ils arrivent souvent. Pas besoin de se faire languir, se voir à des intervalles de plus en plus fréquents. Se fréquenter. Les écarts de jours qui rapetissent, vite trois soirs de suite chez moi. Is this love.

Me dire enfin quelqu’un qui va s’occuper de moi. On dirait ça parait dans sa face. Il a l’air heureux, celui-là. Bien. Sain. Il a l’air toute là. Il a l’air d’être capable de me balancer, de m’encaisser, un bon fit. Feu et Terre, feu de camp. Enfin quelqu’un avec qui je vais pouvoir m’ouvrir, qui va me consoler. Je me disais que j’avais ben beau avoir un journal intime, ça serait hot pouvoir partager mes états d’âmes à quelqu’un d’intéressé. Je me dis qu’à lui je serais capable de tout dire. Que je vais être vulnérable, pour une fois. Qu’on va pas la gâcher cette relation-là, que ça va marcher. Me mettre sur la table, me promettre de rester honnête. D’être moi. D’être moi au complet pour lui. Enfin, je devrai pu jouer à la maman. Que le plus proche qu’on ira de là c’est quand je vais l’appeler Daddy. Mon crush qui me trouve drôle, lui et moi qui avons les mêmes goûts. Crush est positif. Chiale jamais. Souris. Gros sourire colgate constant dans la face, comme s’il le savait que j’avais besoin de ça. Se fréquenter fort. S’apprivoiser. Faire confiance. Petit à petit. Rencontrer les amis. Dater. Bars. Fêtes. Cinéma. Classiques. Rencontrer la famille, l’aimer. Se dire que tout va bien, tout va assez bien pour se dire les trois mots. Les trois mots qu’on devrait dire plus, qu’on dit jamais assez. Qu’on regrette de dire parfois, quand c’est pas réciproque surtout.

10 Novembre,

Je t’aime.

Je l’aime comme une criss de folle. Je l’aime de toute mon moi. Je l’aime au complet. J’aime ses défauts, ses qualités, les mots qui sortent de sa bouche, quand il gémit. Quand il rit. J’aime son sourire, ses lèvres galbées. J’aime son corps, la façon qu’il bouge, qu’il se déplace dans l’espace, dans les pièces, dans la maison, dans moi. J’aime quand il échappe des choses, qu’il brise tout à l’entour de lui, qu’il me brise moi. J’aime m’ennuyer de lui, j’aime pas vouloir qu’il s’en aille. J’aime qu’il veuille rester, qu’il a de la misère à me quitter. Qu’il me préfère à ses obligations, qu’il me frenche fort contre la porte avant de l’ouvrir pour partir. J’aime quand il s’en va. J’aime aimer quelqu’un d’autre que toi pour une fois. J’aime qu’il soit ton contraire, ton antithèse. Me dire que jamais il me fera penser à toi, me dire que j’ai enfin brisé mon pattern de gars unavailable qui s’occupent mal de moi. Qui ont besoin que je les répare, qui m’écoutent pas quand je parle. Je me dis celui-là, celui-là ça clique. Je suis fière de lui. J’ai envie de le montrer à tout le monde, j’ai envie de l’enfermer avec moi. Avec lui, je ferais de la randonnée, du camping, du jogging. Avec lui je regarderais des films que j’aime pas pis j’en garderais pareil des bons souvenirs, avec lui je partirais à l’aventure, je déménagerais de l’autre côté de la terre―

Big dreams, gangsta

Jamais rencontré quelqu’un comme ça, rien à voir avec toi. Toi tu gardais tout en dedans, ou bien t’étais vide. Lui me parlait de ses sentiments, de comment il se sent. Il avait pas peur de plonger, il avait peur de rien on dirait. Pas peur de me prendre fort, de me serrer, de me texter, de vouloir qu’on se voie deux fois de suite. De me présenter sa mère. Qu’on sorte pas du lit. Me faisait sentir bien. Tellement bien que je sentais que j’allais pouvoir lui faire confiance pour de vrai. About fucking time. J’avais pas peur de le serrer, de le voir deux fois de suite, de lui dire jtm, de chanter devant lui, de rencontrer son père.

J’aurais été son antithèse, avant, un bloc de glace. S’il était la chaleur incarnée, j’aurais été un flocon déchu. À cause de toi. À cause de toi j’avais vécu trop longtemps dans la peur de me faire décevoir, dans la peur de m’ouvrir à quelqu’un qui m’abandonnerait. Me montrer fragile. Ça me faisait peur, j’avais peur qu’on abuse de moi. Mais là j’avais grandi. Me perdais dans son bleu. J’étais capable de lui dire ce que je pense, les mots cutes dans ma tête quand je le regardais. Je m’ouvrais tranquillement, avec juste un p’tit peu de misère. Pis il comprenait, il était patient.

Il était parfait, dans l’fond.


And I know that love is mean, and that love hurts

Il faisait froid. Décembre. Réussir enfin à sortir de la maison pour vivre un semblant de vie normale, parce qu’on voulait toujours rester dans le lit. Se forcer. On se forçait à aller chez lui de temps en temps, se forçait à se lever pour manger. Aller chercher notre café du coin chaque matin, devenir des habitués. Commencer quelque chose de gros ensemble, le monde savait on est qui.

Red Flag N.1

Crush qui m’invite dans un bar pour que je rencontre son ami. Ami d’enfance, ami important. Rouge à lèvres, robe sous grand manteau, tous ensemble en route, mon océan, je le reconnaissais pas tant tout d’un coup. Pas comme j’avais l’habitude de le voir, prenait de la place, pas assez d’attention, me regardait pas tant parce qu’il souhaitait que je le regarde lui. Pattern facile à déchiffrer, j’avais un sensible radar pour les gens qui se pensaient en constante présence de paparazzis. Je me disais que c’est normal, c’est normal que je le connaisse pas encore sous toutes ses coutures. C’est normal qu’il veuille m’impressionner. Je trouvais ça même cute, me disais que c’était le complexe du chanteur. Moi qui avais toujours éviter les musiciens, je me demandais si un jour j’allais arriver à me passer de lui. Arrivés à destination, bar musique brou-ha-ha. On s’assit au comptoir. Il était déjà agité.

Son ami qui dit : « Qu’est-ce t’as envie de boire? Je te le paye. »

J’avais demandé un drink sucré. Genre vodka jus d’orange ou quelque chose de même. Était finie depuis longtemps ma passe de boire des bières dégueulasses pour avoir l’air nice.

« Nonon, a va juste prendre une bière, » crush dit ça mal à l’aise à la barmaid, en lui faisant un sourire.

Je comprenais pas.

« Nonon, j’aime pas ça la bière. J’aime ça les affaires sucrées. »

Mon amoureux qui me dit que j’ai pas d’allure de demander des affaires compliquées de même, la barmaid est pas à mon service ça y tentera pas de me faire un p’tit cocktail fancy voyons donc. Ok. Prendre mon trou, petite marmotte pas dans son environnement pentoute, ses amis, son bar. Je voulais pas gâcher la soirée. Boire ma criss de bière. Goût de bile, avaler. Il part dehors fumer. Sans arrêt. Clope après clope, prenait son manteau le laissait là reprenait son manteau. Me laissais seule avec son ami. J’étais gênée, me demandais pourquoi il était pas là. Moi aussi j’aurais pris une clope. Me sentais comme son manteau. J’ai échappé ma sacoche. Dégât, maquillage partout mes cartes éparpillées. Tout ramasser, gorgée de bière, small talk avec son ami. Une main momentanément dans mon dos, puis le bleu repart. Me fait sursauter pendant que moi je me demandais s’il était correct. S’il avait pas envie d’être avec moi finalement. Si j’avais fait quelque chose de pas correct. S’il me trouvait pas de son goût. Si si si. Parler avec son ami, ça faisait du bien pareil, savoir que je m’entendais bien avec au moins. L’océan est revenu s’asseoir à côté de moi et pas longtemps après voulait partir, m’avait dit que je pouvais rester si je voulais mais que ça lui tentait pu d’être là. On est rentrés. Son ami tout seul qui attendait un uber dernière minute. Il avait l’air habitué.

Crise. Baboune. Arrogant.

Première fois que je le voyais comme ça. Pis jamais l’oublier. Il était passé où donc son regard doux. Le regarder pu avoir les mêmes yeux. Mon cœur battait vite. Chicane. Je disais des mots mais il les entendait pas vraiment.

« T’avais l’air tellement contente quand tu parlais avec mon ami. Tu me voyais même pu. »

« Ben non, je pensais que t’allais être content que je m’entende bien avec. T’étais toujours parti fumer, je savais pas si je devais te suivre à chaque fois. »

« T’arrêtais pas de rire. Y te faisait rire, pis pas moi. »

« T’étais toujours dehors, tu me fais toujours rire d’habitude. »

En détresse. Mon océan plein de vagues, il était en orage. Je le consolais. J’essayais de comprendre. Oh ok. Il me le dit. L’avoue. Il était insécure. Il faisait de l’anxiété. Il avait pas voulu réagir de même, au fond. Il le pensait pas vraiment. Mais là-bas oui. Il faisait pas exprès de le penser. Il m’a expliqué, j’ai compris. J’étais triste qu’il se soit senti comme ça. Les minutes passaient, les heures peut-être. Guirlandes en background, je recommençais un peu à voir de la lumière dans ses yeux. Ses prunelles bleus. Monochrome, les larmes qui matchaient l’outfit de son anatomie. Ma couleur préférée.

« J’ai pas l’choix de t’dire par exemple que ça m’a humiliée l’affaire du drink. J’veux pu jamais que tu rectifies ma commande à ma place, ok? »

La lumière qui s’en va yet again. J’aurais pas dû dire ça. On recommence à zéro. Hautain. Pas capable de m’empêcher de froncer les sourcils, lui pas content que je lui ai dit que c’tait pas correct. Me dit que c’était moi qui avait pas d’allure, que j’étais princesse de vouloir un drink pis que c’était moi qui l’avait humilié.

Commencer à douter. À douter de moi. Je me disais, voyons j’ai toujours été capable de me commander un drink toute seule j’ai jamais eu de problème.

J’étais tu princesse dans le fond?

Décembre qui commençait avec un cri, une chicane. Maintenant que j’étais au courant de ses 99 problems, il gardait pu ça en dedans. Il me disait qu’il avait caché ce côté de lui pour pas me repousser. Ah ok. Me disait que le gars cool, drôle, souriant, plein d’énergie que j’avais rencontré c’était pas lui. Ah ok. Qu’il aimait pas ça faire le party, voir du monde. Ok, pas de troubles. Réapprendre à se connaître, crise après crise. Lui qui comprenait pas que je l’aimais pareil. Lui amoureux de moi fou fou fou. Mais que son cerveau comprenait pas que j’étais là. Concentrer à se dire qu’il était une mauvaise personne, que je l’aimais pas, au lieu de se rendre compte que j’étais en train de l’embrasser. Projeter ses insécurités sur les autres pour pas que ça paraisse qu’il se trouve pas cool. Se regardait dans le miroir plus qu’il me voyait. Il s’observait, se jugeait, s’admirait. Il se posait des questions, à en oublier les miennes. J’étais maintenant la thirdwheel du couple du lui fin pis du lui pas fin. Vraiment dur d’avoir son attention, alors me sentir tellement fucking bien quand je l’avais. Lui qui me demandait constamment la mienne, jamais satisfait. Jamais rassasié. Je suis tu beau. Je suis tu fin. Je suis tu correct. Je suis tu mince. Je suis tu drôle. Je suis tu assez.

Oui oui oui oui oui oui, je t’aime. M’en fou de tout ça, je t’aime comme t’es.

Après chaque crise on finit par trouver terrain d’entente. Le ramener à la réalité. Me ramener à notre réalité. Dire à mon amoureux que non, c’est pas vrai que tout le monde l’hait. Qu’il est pas un bad guy c’est pas vrai que je te juge arrête de m’parler d’même tu le sais les voix pas fines sont dans ta tête c’est pas moi-

Lui rappeler que je l’aimais tellement. Crier. Pleurer. Lui fâché. Lui abandonné. Moi qui le réconforte. La nouvelle routine. Crush finissait toujours par comprendre. S’excusait. On faisait du progrès je me disais. Repenser à toi tout d’un coup. Comparer. Ressasser les vieux souvenirs qui m’atteignaient pu je pensais. Je me disais qu’avec toi on avait jamais crié. Que les seuls fois qu’on pleurait c’était chacun dans nos bras. Que même si tu me regardais pas souvent, au moins c’est pas parce que tu te regardais toi. Me prendre la tête à deux mains, c’est pas vrai que je vais recommencer à penser à toi. Pas vrai pentoute.

Oublier que j’ai de la peine des fois. Oublier un peu même que j’existe. Mes bras autour de lui plus souvent qu’on se faisait à déjeuner. Mes bras autour de lui pis ça faisait du bien. Je me disais que ça faisait tellement du bien que c’était pas si grave dans l’fond si ses bras étaient pas toujours autour de moi. Si mes pleurs, des fois, il les voyait pas parce qu’il regardait ailleurs. Me disais que c’tait chill que quand on se regardait dans les yeux il remarquait pas que les miens étaient plein d’eau, qu’ils débordaient sur mes joues, bordaient mon regard flou, fuyant, hagard.

C’était. Donc. Normal.

Toxic de Britney Spears. Il en avait fait un cover, voyait pas l’ironie.

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Jasmine Craan Jasmine Craan

full circle

« Life goes on. And all those phrases toutes faites. »

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La neige. La grosse criss de neige. Les tempêtes, les flocons, mon corps qui gèle dans mon appart qui chauffe mal. Mon premier vrai hiver ici, mon premier hiver on my own. Me faire jouer dans la tête par le gars à qui je dis je t’aime parce que je sais pas comment faire autrement. Allo la nouvelle année. La tête lourde. Il était tard et j’étais encore couchée. J’haïssais ça, me lever tard. Mais j’avais pas assez dormi, j’avais eu la tête trop remplie. Ça garde éveillée, être pleine. Comme ce serait facile d’avoir des petites pilules qui feraient la job à ma place. Un peu de weed, on dit. Oui, ça aide. Indica dans les poumons respirer une deux trois quatre puffs, la garder ben comme y faut en dedans attendre de tousser pour expirer tousse tousse l’indica par la fenêtre, avoir été capable de me lever du lit juste pour pas empester l’appartement minuscule que j’appelais maintenant Home.

J’avais rêvé que j’me chicanais avec ma mère. T’étais là j’pense.

J’avais faim, j’avais envie d’pisser. Fuck à matin, j’allais boire à soir encore.

J’aurais aimé ça être capable d’être fâchée pour juste finalement te poser toutes les questions que j’avais, sur ce que j’avais fait de pas correct ou juste how the fuck can you get over me. L’égo. Mais je savais que c’tait des choses qui arrivent. Des choses qu’on contrôlait pas. C’est la vie. On peut m’oublier, se tanner. C’était juste toujours une bataille de qui allait le faire en premier.

Trust. No. One.

Not even yourself.


J’avais l’impression que rien était vrai, que tout était en attendant de te trouver. En stand by constamment, tout le monde devenait un passe-temps depuis que t’étais pu là. Finding joy in the local cafe. Je voyais mon cercle rapetisser de plus en plus que je vieillissais. Des amitiés qui s’effritaient jusqu’à disparaitre. Des amours qui s’effaçaient avant même d’avoir commencé. Des liens qui se brisaient tout bonnement, on grandit usés. Pas parler aux inconnus. Se nourrir de DM pour oublier son malaise à entretenir une amitié avec déjà une date de péremption. Pas envie d’être toute seule chez nous mais l’anxiété m’empêchait de sortir. Je pleurais mes amants déchus et mes potes non-entretenus.

Cheers.

À leur santé.

J’ai laissé le gars qui m’aimait pas, me sentais déjà mieux.


« Les fleurs la nuit »

Marcher tard le soir la larme à l’œil parce que je parlais de toi. Même pas fatiguée, j’aurais pu marcher des heures. M’ennuyer de toi, le meilleur des sports. Ma peine, mon remède.

J’avais jamais repensé à la dernière fois qu’on s’était vus. Je m’étais jamais posé la question de quand était notre dernier bec. Notre dernière caresse. J’y avais jamais repensé en réalisant à quel point c’était injuste de t’avoir serré dans mes bras sans savoir que c’allait être la dernière fois.

La dernière fois qu’on s’est vus je pleurais dans ton auto. On était stationnés devant chez moi, je crois qu’on revenait du cinéma mais je sais pu. Je pleurais parce que je voulais pu habiter loin de toi. J’en voulais pu de Montréal. Je voulais toi. Je voulais qu’on retourne en arrière. J’étais pas capable de te regarder, j’étais pas capable d’accepter que t’allais retourner chez toi qui était pu chez nous, que t’allais partir, qu’on repartait pas ensemble. J’étais pas capable de te regarder parce que ça faisait trop mal de savoir qu’on allait pas dormir collés-serrés. De savoir que tu repartais. On s’était enlacés fort dans l’auto. Je me souviens pas de si toi tu pleurais. T’étais déjà rassasié on aurait dit. Je te tapais peut-être déjà sur les nerfs, tu commençais peut-être à m’oublier juste le temps que je reprenne ma sacoche pour débarquer du char. J’aurais pas voulu que tu t’en aille ce soir-là. J’aurais peut-être essayé de mémoriser ton visage un peu mieux. Me rappeler de tes vêtements. De la température dehors versus ta Toyota. Je me serais rattachée aux souvenirs de ton corps contre le miens. J’aurais senti ton odeur une dernière fois. J’aurais pris ta main dans la mienne pour imprégner ta paume à mes réminiscences. J’aurais sûrement essayé de t’embrasser.

Notre dernier bec datait de la dernière fois que t’étais rentré dans mon appartement. Pour dire bye à notre ancien nous. Un bec plein de détresse. On s’embrassait dans nos larmes, on savait que ça serait pu pareil. On redoutait. On s’encourageait en se disant que c’allait être pour le mieux. On se serrait tellement fort, au milieu de mon lit. Ton visage de cette soirée-là me hante encore. Comment tu pleurais fort pour nous. Comment tu m’aimais fort cette nuit-là. Je voulais tellement pas que tu partes, je voulais qu’on recommence. Qu’on efface tout. Qu’on continue de s’aimer fort de même‒

Un matin. Un matin j’me suis levée et je t’aimais pu vraiment. Je pensais à toi et j’avais pu envie de brailler. J’avais pu vraiment envie de te voir non plus. Je me suis levée ce matin-là pis j’étais bien.

I am over you.

J’avais jamais réalisé à quel point ces mots-là pouvaient être forts. À quel point ça voulait dire beaucoup. Quatre mots. Une mort. Un début. Phoenix. Le feu dans mon corps en entier qui finalement s’était détaché du tiens. Mon corps était pu seulement une entité en attente de tes mains pour être pris et déposé à ta guise, je pouvais enfin me transporter moi-même en entièreté. Je pensais à toi et ça me faisait rien. Un peu de rage en dedans peut-être, enfin. Ça faisait comme du bien d’enfin être fâchée contre toi pis d’arrêter de m’en vouloir.

Le temps de move on.

Life goes on.

And all those phrases toutes faites.

J’ai eu peur ce soit juste le mood de la journée, que ça passe. Que le lendemain je retombe dans le même pattern salissant, ensevelissant. Mais non. Le lendemain toute allait ben. Le surlendemain encore. Même que pour être sûre je me faisais des scénarios dans ma tête où tu serais venu me jaser, où tu m’aurais envoyé un texto ou de quoi de vingt-et-unième siècle de même…pis ça m’faisait rien.

Comme c’était bon de pu t’aimer le mois de mars était beau avec sa neige lactescente qui réfléchissait toutes les possibilités qui s’offraient à moi maintenant que mon cerveau était pu en need de ton nom en grosses lettres capslock en plein milieu de mon esprit constamment comme c’était bon chaud doux.

J’ai mis le foulard autour du cou, les Beats sur les oreilles, descendu les six marches menant à l’extérieur. 3D les arbres nus et la rue glissante, sauter à pieds joints dans une butte, joint entre les doigts. Ma Fin du monde dans le fond de ma sacoche, ma vie qui venait de recommencer. Fallait célébrer.

Igloo, igloo.

Full circle.

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Jasmine Craan Jasmine Craan

glitch

« Les choses que j’avais pas eu le temps de te dire. »

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Septembre était apparu comme si rien était arrivé. Comme si tout était comme d’habitude. Septembre était arrivé comme si j’allais rentrer à l’uni finir le BAC que j’avais lâché, comme si j’allais retourner à l’appart te donner un bec pour dire allo pis comme si on venait tout juste de fêter ma fête au chalet avec mes parents. Sauf là septembre était arrivé mais avec rien de toute ça. Y’était arrivé avec des vents chauds, la peur du vide pis des shifts à n’en pu finir parce que c’tait le temps de l’année où ça brassait pas mal à ‘job.

Septembre était aussi arrivé avec de quoi auquel j’m’aurais jamais attendue. Une rencontre. Une envie de sortir du lit, quelqu’un à coller. Quelqu’un pour qui cuisiner, à flatter, avec qui se promener dans HOMA les mains enlacées. Je savais pas si toi ça t’aurait fait capoter ben raide de me voir de même, mais moi ça me faisait penser de plus en plus à toi. Fort. Ça gossait. Je voulais pas que tu saches, je voulais pas que t’apprennes par mégarde que je nous avais abandonnés. J’avais pas encore compris qu’en fait c’était toi qui voulait pu de nous, j’avais vraiment rien compris encore. Ça fait que j’aimais, mal. J’aimais en pensant à toi. J’aimais en me sentant mal de nous. J’aimais en m’ennuyant. J’aimais pas pour vrai, dans l’fond.

Dormir de moins en moins souvent chez moi, partager une partie de ma vie avec quelqu’un qui était pas toi. Quelqu’un qui avait envie de savoir ma journée, qui voulait un peu me coller, qui me partageait sa vulnérabilité. C’était peut-être trop d’un coup, j’avais pas su gérer.

J’aimais ses cheveux roux pis sa mâchoire. Ses mains pis ses t-shirts pastel. J’aimais son sourire pis son aise.

Quelqu’un de tellement différent de toi que je savais même pas comment être moi. Une tempête dans un verre d’eau. Des opposés. Des pôles différents qui me faisaient me poser trop de questions.

Tout ce qu’il faisait me rappelait ce que tu faisais pas, et vice versa. Pas moyen d’arrêter d’y penser. Des fois, fermer les yeux et imaginer être dans ta chambre. Imaginer que c’était tes spasmes qui me réveillaient dans la nuit, pas ouvrir les yeux pour continuer le mensonge. Chercher ton odeur dans tous les recoins, comparer vos vêtements, la façon dont vous mangiez, les choses qui vous faisaient rire. Faire une blague qu’il avait pas trouvé drôle, et me dire que toi t’aurais ri en sacrament. Pu parler parce que ça servait à rien s’il riait pas. Essayer d’être un peu quelqu’un d’autre, pour voir si ça aiderait. Une genre de gêne qui perdurait pis, après une couple de mois, pas comprendre pourquoi ma relation avec lui était encore froide.

« Maman, j’suis conne. »

Ma mère qui avait faite des kilomètres pour venir me raisonner. Me dire de t’oublier. Me rappeler que je t’avais tout donné pis que je pouvais pas continuer à faire ça pendant que t’étais même pas là pour recevoir. Maman qui avait de la peine pour moi quand je pleurais à l’entente de ton nom.

« Voyons, arrête d’attendre après lui. »

Fuck. Fuck. Fuck. Fuck.


En boule dans mon lit. J’hésitais à te débloquer. Te débloquer pour te dire les choses que j’avais pas eu le temps de te dire, des trucs que j’avais pas encore réaliser dans l’temps. Quand j’étais pas capable de m’avouer que j’étais en dépression, pis que la dépression ça fait faire des trucs weirds.

Je voulais m’excuser de pas avoir été une meilleure personne. Je m’excusais de pas avoir été une meilleure blonde. Je m’excusais d’avoir été un moi qui m’était inconnu aujourd’hui. C’tait dur être au courant de ce qu’on ferait différemment. Je t’aurais moins pris pour acquis, je t’aurais dit plus souvent que je t’aime. J’aurais profité des spasmes que t’avais en dormant, pis de la façon dont tu disais mon nom.

J’haïssais ça oublier le son de ta voix. Je commençais à pu me rappeler de comment tu parlais. De comment tu prononçais. J’oubliais tranquillement la texture de ta peau, la sensation de ta main sur mon corps. C’était effrayant d’oublier nous. Je dis tranquillement mais c’était une éternité qui passait trop vite. J’avais l’impression qu’on s’était vu hier. J’étais encore pas capable de concevoir qu’y fallait pas je t’appelle le matin pour te réveiller. Comment tu faisais pour pu me parler? Comment toi tu faisais pour pas te demander comment j’allais, comment tu faisais pour être capable de pu me voir? Ça me faisait sentir tellement laitte pis j’arrêtais juste pas de me répéter que c’était certain que tu m’avais jamais aimé pour être capable de me laisser comme ça.

Dans le néant.

Sans réponse. Sans répit. Je t’avais bloqué pour te donner un break, je trouvais ça tellement niaiseux de bloquer mais c’était comme vital à ma personne de savoir si t’allais finir par reach. C’était vital pour moi que t’en sache aussi peu sur moi que j’en savais sur ta vie d’été tout seul. Je t’avais bloqué parce que ça faisait mal comment tu me parlais comme avec une inconnue. Mais comment tu faisais pour vivre ta vie sans nous. C’tait comment vivre sans moi? Est-ce que ça faisait du bien? La vie était tranquille? À qui tu parlais quand ça allait pas, à qui tu parlais tous les jours? M’avais-tu remplacée? J’étais-tu facile à remplacer? Te rappelais-tu du son de ma voix? M’aimais-tu encore un peu.

Grosse claque dans ‘face. Reviens-en esti. Essayer d’arrêter de brailler comme un bébé de cinq ans, calmer mes soubresauts en me fixant dans le miroir. Voyons donc. Relaxe. Pu capable de reprendre mon souffle. Vraiment gênée de devoir prendre mes pompes parce que penser à toi me faisait manquer d’air dans les poumons. Me sentir conne. Grande respiration.

Direction rue Sherbrooke.


L’automne. La saison préférée de tout le monde.

Le retour des nuits courtes, des cafés brûlants, des beaux foulards qui contrastaient la veste en jeans pis du hashtag sweater weather. Les feuilles ambre comme mes gougounes Juju que je m’entêtais à porter même s’il commençait à faire frette pis d’autres un peu plus bourgogne qui commençaient leur apparition dans les branches. Le soleil encore chaud des fois. J’étais contente de mettre mes robes de côté pour enfiler une bonne paire de pantalons, j’étais contente d’avoir encore quelqu’un chez qui dormir.

Il était un peu une matriochka ou ben un mirage. Je pensais qu’il était une étendue d’eau potable finalement c’était juste beaucoup de sable. Phénomène optique lié un peu à ses mensonges qui donnaient l’illusion qu’on allait être bien ensemble. J’ai jamais eu autant de tics nerveux qu’avec lui, mon corps m’envoyait des signes ben flashs mais je me trouvais trop smart pour partir.

Y’était trop toute pis pas assez ce dont j’avais besoin. Mon cerveau qui glitch.

Un équilibre qui penchait d’un bord, le sablier commençait à manquer de temps.

L’automne à contre-courant.

On se criait des je t’aime pour camoufler que ça marchait pas tant, on se garochait des m’ennuie pour être sûr de pas finir tout seul à la fin de la journée. Se lancer des mots doux, s’écrire des compliments au scalpel.

Candy, le film.

Ma quête de vouloir tout réparer, même quelqu’un. Mon cœur trop grand qui était pas capable de refuser quelqu’un dedans. Mon cerveau qui voulait tout régler les problèmes des autres pour éviter de faire face aux siens. Mon nouveau projet en attendant l’hiver était devenu quelqu’un qui me faisait un peu mal sans trop s’en rendre compte. Boire, boire, boire. Des gorgées de Corona pour faire passer les mots qu’on avait de la misère à digérer. Se chicaner. Mes premières chicanes, mes premières batailles. Je pouvais pas m’arrêter de penser qu’avec toi on se chicanait jamais. On en était jamais venus à se crier dessus toi pis moi, on était peut-être trop tranquilles. Lui, y faisait sortir un côté de moi que je connaissais pas. Je me sentais comme une actrice, toujours en train de me checker en POV pis de me dire ben voyons donc. Je jouais mon propre rôle dans le genre de série que j’aimais regarder quand j’étais jeune. Skins. Y’était Tony pis j’étais Michelle. Pas mon couple préféré. J’étais Sid, il était Cassie. Gueuler. Brailler. Être déçue. Recommencer.

S’aimer pareil.

Apprendre à s’aimer malgré toute. Malgré que j’étais pas vraiment là mentalement, que lui non plus dans l’fond.

Prendre mon rôle trop au sérieux des fois, j’avais toujours souhaité être comédienne. Je réalisais mon rêve de petite fille en m’intoxicant de ma nouvelle relation. American Dream.

J’haïssais comment il se peignait. Son linge. J’haïssais son rire pis son aise. Comment rien était grave quand ça y tentait, mais que toute pouvait vite devenir une montagne. J’haïssais le son de sa voix pis son corps en entier.

Pu capable.

Réessayer tout l’temps. Check-point. Mourir. Revenir. Essayer. Accepter.

Octobre, pumpkin spice latte, pumpkin spice toute. Muffins à la citrouille, laisser pourrir le fruit au complet sur le comptoir de la cuisine. J’étais sensée me déguiser en Suzy pis toi en Sam l’Halloween dernier, faire notre propre Kingdom. Le temps des fêtes qui passait trop vite à mon goût. Noël avait beau se rapprocher, j’avais jamais ressenti l’envie de mettre des tounes sur jésus. Les températures toutes fucked up anyway,

la terre mourrait pis je la comprenais donc.

Plus l’année avançait plus je remarquais ton absence partout. Je me consolais en me disant que la prochaine année ça allait être moins pire, j’allais déjà avoir toute vécue sans toi. Là c’était de tout revivre en te soustrayant de l’équation, tout refaire moi-même. Noël sans toi, je l’avais appréhendé en criss ce moment-là. Me demander comment ça se faisait que tu me souhaitais pas Joyeux Noël. Demander à ma sœur si je devrais te texter. Laisser faire. Pas t’appeler non plus. Regarder ma famille, souhaiter qu’ils me demanderaient pas t’es rendu où. Me cacher dans les toilettes pour verser quelques larmes qui font chier. Vouloir me coller, mais être accompagné par mon pire ennemi qui arrive mal à cacher son envie de crisser son camp.

Regarder chaque pièce pis me souvenir qu’on était nos bouées dans les partys. Qu’on allait souvent prendre l’air dehors pour se replacer les idées, pour se crinquer avant de refaire face au monde. Se cacher dans les pièces vides pour s’embrasser. Jaser pendant des heures sans s’en rendre compte. Toi pis moi assis ensemble sur chaque divan. Moi pis toi qui s’aidaient à finir nos assiettes trop remplies. Me rappeler de toi partout, me sentir mal d’avoir chocké le dernier souper de Noël de ton bord. Être reconnaissante que tu venais à tous les miens. Vouloir te dire merci mais pas savoir comment.

T’écrire une lettre que j’allais mettre sous ta porte.

Dix, neuf, huit, sept, six, cinq, quatre, trois, deux, un.

Bonne année.

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Jasmine Craan Jasmine Craan

le chant des baleines

« J’essayais de comprendre ce qui se passait dans sa tête, c’qui faisait que son cerveau me fasse apparaître assez fort pour que ses mains cherchent mon nom dans son téléphone. »

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1, 2, trois. Troisième pomme, ma préférée du lot. T’aurais été jaloux de lui parce qu’y était parfait. Ses cheveux doux, ses tattoos éparpillés, ses doigts de pianiste, son sourire de niaiseux. La force d'attraction gravitationnelle causée par lui direct sur moi. Je trippais dessus fort, lui pis son nom composé pis son jacket en jeans. Les boys de Montréal dormaient jamais. Pis moi j’étais là à essayer de suivre la cadence. À pas fermer l’œil, à faire semblant. D’un côté j’aimais ben ça, comment la nuit rendait invincible. J’savais pas si c’tait la faute de la lune pis son effet sur ma marée basse ou ben si c’tait pas les étoiles qui nous faisaient sentir comme si tout était possible pis plus beau pis plus toute, mais rien était pareil pis toute plus chaud. Je l’avais jamais vraiment vu le jour, ce gars-là, ça en expliquait beaucoup.

J’aurais aimé ça qu’on s’aime un peu moi pis lui, un peu plus pis un peu plus longtemps.

« Hey, viens t’asseoir avec moi si tu veux. »

On se connaissait mais on se connaissait pas vraiment non plus. Je l’avais suivi à l’intérieur du bar, y’avait pu personne d’importante pour moi à ce moment précis. Des conversations en suspens, des salutations superflues, tous les autres chemins que j’aurais pu prendre cette soirée-là, mais j’avais décidé de l’accompagner lui.

Mrs. Nobody.

1, 2, trois bières, c’avait pris une nuit pour que j’aille un kick dessus, une nuit de trop peut-être. Une nuit blanche à se regarder dans le blanc des yeux.

« Fuck, y’est déjà quatre heures du matin.. j’pense que je devrais retourner chez nous. »

J’avais dit ça à regret, on s’était serrés au revoir aux trois quarts de chez lui, au quart de chez moi. Me demandais déjà c’allait être quand la prochaine fois. L’alcool encore dans le sang, le feeling de flotter un peu. Je sentais encore ses bras qui m’avaient entourée, j’entendais en repeat son accent me souhaiter bonne nuit comme un vieux discman rouillé. Dehors ça sentait l’été. Le vent frais d’août. Les quelques voitures qui passaient vite à côté de moi, contraste avec mon pas traînant. Mes mouvements en canon avec la métropole qui continuait de grouiller, les oiseaux qui allaient bientôt se mettre à chanter.

Aux quatre quarts de chez moi, ouvrir toutes les portes qui menaient à mon lit pour m’effoirer dessus avec le plus grand sourire dans ‘face. Tous les débuts menaient à une fin, mais les premiers balbutiements du je-ne-sais-quoi valaient la peine de se mentir un peu des fois.

Les jours passaient.  

Ça arrivait qu’y m’texte en premier. J’essayais de comprendre ce qui se passait dans sa tête, c’qui faisait que son cerveau me fasse apparaître assez fort pour que ses mains cherchent mon nom dans son téléphone. Y’était compliqué pis y l’était pas. Je compliquais sa simplicité, mais c’parce que c’était éphémère, son envie de moi. À quoi y pensait quand y m’oubliait toute une journée ou ben c’tait quoi qui faisait qu’y pensait à moi, pis est-ce que ça l’faisait sourire? Y compliquait ma simplicité en se crissant de moi par boutes.

Je me demandais vraiment comment j’arrivais à m’ennuyer d’un gars j’avais vu une fois.


Je sais pas si t’aurais été jaloux en fait. Je sais pas tu faisais quoi, toi, pendant ce temps-là. Pendant que je t’oubliais, que je passais à autre chose pis que je nous vengeais. Je sais pas si c’était déjà fait de ton côté, si tu te perdais dans les yeux d’une autre ou si t’étais justement en train de penser à moi.

J’avais pas penser à toi quand j’avais été avec lui, je pensais jamais à toi quand j’étais pas chez moi.

Arrivée chez nous c’tait une autre histoire. Même si mon appartement retenait aucun souvenir de nous, c’est comme si j’arrivais à y voir ce qu’on avait pas eu. Ça fait que j’aimais mieux sortir, être partout sauf icitte. Partout sauf tu’ seule. Six mois déjà. L’été au je.


Flashback de notre seule date, température pièce même en été. Indécise, pas capable de trouver les mots. Y perturbait ma température, chaud en dedans. Feu de camp, son souffle pas assez proche j’me demandais toujours ses mains étaient où. Poils qui hérissaient, dans l’attente d’une caresse. Y’avait enfin mis sa main sur ma cuisse pendant que mes oreilles écoutaient autre chose, j’entendais rien mais lui m’entendais sûrement respirer de plus en plus fort. Le bruit dans les écouteurs en disait long à notre place, comment on avait même pas besoin d’entendre la même chose pour être sur la même longueur d’onde. Finalement sa main sur mon dos entre deux tounes, innocente le long de ma colonne vertébrale, un va-et-vient gêné. Des heures de petits pas, comme si on était pas pressés. Comme si on était corrects, comme si tout allait ben.

Y me rappelait le chant des baleines, les jeux de cartes pis la rue Rachel. Un pot-luck de feelings, une courte-pointe de mains sur mon corps, de sa bouche sur la mienne. Un mood board de nous deux qui essayaient d’étirer notre nuit le plus possible comme si on l’savait que c’était la dernière. Changement de décor,

le divan de cuirette était ben loin vers la gauche arrivés sur le balcon.

Bruits nocturnes,

vue tamisée,

on chuchotait même si personne pouvait entendre. On était encore loin l’un de l’autre, mais quand y’a pu rien autour les distances divaguent, sens dessus dessous, on était proches même si on était pas à côté.

Troisième scène, nouveau décor. Le dernier de la soirée. Grand lit, draps confortables. Le lever du soleil nous avait fait remarquer que Morphée nous avait oublié. Heureux. Peaux qui se touchaient enfin, les vêtements par terre. On se voyait presque nus déjà avant même de s’être frenchés pour la première fois. Chairs qui s’habituaient à être ensemble, qui commençaient à s’apprivoiser, à s’apprécier. Se flatter, jaser, souvenirs, flatter plus proche du, flatter plus proche de ma. Ses doigts qui chatouillaient mon ventre, sa bouche qui se décidait à goûter mon cou. La lenteur de la soirée commençait à nous gagner, nos lèvres s’étaient trop cherchées on s’est embrassés.

Changement de cadence. Crescendo. Tout était redevenu rapide, c’était la journée qui nous rattrapait l’avant-midi qui nous pressait, les minutes passaient comme des secondes, on avait pu assez de temps. Le départ qui arrivait. Mains baladeuses, qui agrippaient toute, qui avaient peur de perdre. Fourrer. Frencher. La bouche jamais assez pleine, l’annonce de la fin proche. Des mots sur le bout de la langue ravalés en même temps que lui. Après la gorgée, je me sentais vide

vide

vide.

Pu assez de temps pour parler, mon cerveau roulait tellement vite qu’il savait pu vraiment ce qu’il voulait dire. Bafouiller, zozoter. S’endormir trop vite pour penser à se coller.

Dernière scène. C’était l’après-midi, retour au premier décor. Le divan de cuirette avec lui dessus.

J’étais partie.

La télé jouait encore de la magie, moi je disparaissais sans un bec.

Ç’allait être ma fête bientôt.

Pendant un instant, accepter que j’allais peut-être être toute seule toute ma vie. Pendant un instant, accepter ça. Contempler l’idée d’aimer tout le monde mais pas une personne en particulier. Accepter de jamais être aimée non plus. Me contenter d’être souvent aimée à moitié, et dire ok.

La peur de trouver personne, parce que j’aurais jamais pensé devoir chercher après toi. Tu m’avais comme faite une jambette en me laissant comme ça. Seule contre le monde. Quand on avait toujours été nous deux. Me pitcher tête première dans l’océan des tous-seuls. Des pas-accompagnés. Des sans-plus-one.

Accepter le défi.

En m’en allant de mon côté j’avais accepté de me perdre sans savoir si j’allais finir par me retrouver. Des fois j’me disais ça y est j’va être toute seule. J’vais vivre d’amours éphémères. Parce c’est comme si personne m’intéressait assez, pis ceux qui m’intéressaient assez je les intéressais pas. Courir après le temps. Courir tout le temps. J’aime pas courir, je fais de l’asthme. J’aimais pas me faire rejeter non plus, faut toujours rejeter en premier. Pas capable de faire ça non plus. Capable de rien dans l’fond.

Juste vouloir bâtir de quoi avec quelqu’un même si c’tait pas pour longtemps,

Ma fête est venue.

Vieillir d’un an. Aucun bonne fête de toi. Je t’avais bloqué anyway. Ma mère qui m’avait appelé, des ballons au travail. Tout le monde occupé, j’avais rien organisé. Peur que personne serait venu.

Avoir. Peur. Tout l’temps.

Embarrée dans mon appartement, la lumière qui passait pas même au huitième mois. Les dms pleins, mais la motivation à zéro. Assise sur le divan du petit salon, mur corail pour la vitamine C. Pas de resto pour surveiller mon budget. Pas de gâteau pour faire comme si c’était une journée comme les autres. Ce l’était.

La terre continuait de tourner, mes voisins en haut faisaient le party. Je faisais comme si c’était un peu pour moi. Toute continuait de bouger pour moi.

On vivait pour moi aujourd’hui.

Pis quand minuit est arrivé, j’ai recommencé à vivre pour les autres.

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Jasmine Craan Jasmine Craan

volume I

« Regarder le monde mourir ensemble. »

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L’été qui tirait à sa fin. Moi qui t’avais dit bonne fête, toi qui me parlais pu. On s’était chicanés quelque part en juillet. T’avais fini mon puzzle et t’avais pleuré que tu m’avais dit. Août commençait avec les crèmes à ‘glace qui coulent, le fond de teint qui colle pis les canicules qui donnent envie de buzzcuts.

J’avais arrêté de penser à toi pis ça faisait du bien. T’existais pu vraiment, t’étais en stand-by. J’étais ben toute seule dans mon appart. Mon. Appart. Ma maison, mon chez-moi,

home.

J’avais arrêté de te chercher dans les blagues que j’entendais à la télé, ou dans le visage des inconnus que je croisais dans l’autobus. J’avais finalement terminé la série qu’on avait commencé ensemble, je t’attendais pu. Jamais le soleil de ma cuisine allait t’illuminer, tu verrais pas la femme que j’étais devenue. J’étais moi sans toi. J’arrivais à être un peu heureuse, des fois.

Cupidon qui scrollait instagram à ma place, parce que oui je pensais pu à toi mais fallait quand même j’essaie de te remplacer un peu. Un petit blond bleaché qui m’aidait à t’oublier. Y me faisait penser rien qu’un peu à toi à cause de sa carrure carrée, de ses grandes paumes pis de ses yeux bruns marde.

J’étais stressée d’aller le voir pour la première fois, homo sapiens animal asocial. On s’était chockés souvent avant de trouver un moment qui nous convienne aux deux, la routine. J’m’étais mise cute, les cheveux propres pis assez de makeup pour calmer ma dysphorie corporelle. J’allais tu ressembler à c’qu’y avait en tête? Y’allait tu ressembler à l’idée j’me faisais de lui? Des grandes questions qui se dissipaient vraiment rapidement quand on se donnait la première bise.

Métro, autobus, marche, chez lui. Escalier, porte, salut, salon. J’avais pas eu de papillons avec lui, peut-être parce que c’était trop une tentative de toi. Trop familier. Je te cherchais pas dans lui, mais c’était comme si tu me regardais au travers ses yeux. Il m’avait accueilli avec un verre de vin rouge bourgogne qui tachait les dents mauve pis les lèvres comme un lipsyl aux framboises, verre de vin pour faire comme si on était amis un peu. J’aurais sûrement aimé ça être son ami, mais y’en avait déjà assez, mais on se parlait quand même comme si, y jouait dans mes cheveux pis m’disait qu’on allait se marier. Pousser la blague à l’extrême, être au courant tous les deux que nos chemins allaient rapidement se séparer. J’ai calé mon verre qui venait clairement du Ikea, fuck les coupes, pour qu’il m’en remplisse un autre. Again and again.

« Fill all my holes. » Volume I

Ç’allait être quand le bon moment pour qu’on change de pièce? On testait notre conversation pour voir si nos personnalités concordaient assez pour la suite de la soirée, mais c’tait dans la chambre anyway que les murs allaient s’effondrer.

« T’es tellement belle. »

« T’es vraiment beau. »

La gêne qui s’en allait avec les premiers sons de la télé qui faisait jouer The Office, les vêtements qui partaient vite dans le désordre du plancher. Appartement d’un gars début vingtaine, les piles de linge, les kleenex, le parfum pour escamoter l’odeur d’été pis de sexe.

C’était doux, ça coulait, on aurait dit, son corps était chaud pis son sourire aussi. J’aimais ça quand y me serrait dans ses bras comme si c’était l’affaire la plus normale du monde, peut-être que ce l’était aussi.

Homo sapiens, animal amoureux.

C’tait dans les mots qu’il disait ou ben dans la manière qu’y avait d’me regarder. Sa façon de prendre le derrière de ma tête avant d’embrasser mon front. Quand y gémissait dans ma bouche ou ben qu’il embrassait mon cou, qu’il tremblait quand j’embrassais le sien. À la vitesse qu’il prenait pour enlever mes vêtements, quand y me détaillait des yeux en mordant sa lèvre. Me faire sentir spéciale pour une couple d’heures.

Ça faisait changement de toi qui me faisait douter de ma place tout l’temps. J’me demandais toujours si t’étais content que je sois là, si t’avais envie que je m’en aille ou si tu me regardais encore des fois. L’habitude avait eu le don d’enlever la magie, j’étais tellement rendue une partie de ta routine que tu mordais pu ta lèvre en me regardant, anyway moi je prenais pu le temps de me mettre cute dans notre quatre et demi. On s’était aimés tellement fort qu’on avait pas fait attention, quand j’avais voulu tout rattrapé y’était trop tard. T’avais déjà abandonné on aurait dit, ou ben c’tait moi qui t’avais poussé à boutte. T’étais à boutte de moi, ça nous a tués.

Lui pis moi on faisait comme si on s’aimait au complet pour de vrai, je regardais dans le fin fond de ses yeux qui brillaient un peu pour moi des fois. On s’endormait les doigts enlacés, il serrait ma main fort fort entre deux rêves pis pendant un bout y m’appelait chaque soir pis au début j’aimais ça pis j’aurais dû aimer ça plus longtemps, m’semble, mais j’étais toujours trop mêlée. Ça m’faisait tripper pourtant les coups de téléphones à minuit, me demander de venir passer la nuitte pis toutes ces niaiseries-là. Toujours de quoi qui clochait avec moi, quand c’tait pas l’autre qui était pas down c’tait moi qui trouvais une façon de toute gâcher.

Sayonara, retour à la case départ.


Je rêvais souvent à la fin du monde. La fin de l’humanité, de la civilisation, de la terre, ou juste ma fin à moi. Ma propre mort. Une balle dans le chest, un couteau dans les côtes, tomber d’une falaise, explosions, bateau qui chavire. Moi qui essayais de remonter à la surface mais j’étais pas capable, mon souffle était court grosse gorgée d’eau les poumons tellement pleins moi qui explosais. Quelqu’un qui venait dans ma chambre mettre la couverte par-dessus ma tête pis serrer fort, pas capable de respirer, toute devenait noir, ça faisait presque du bien le cœur qui s’arrêtait. Fading au noir, rien voir les yeux ouverts la bouche grand ouverte mais pu rien qui passe. J’éclatais doucement. La Terre qui sautait. Boom. Attentats. L’armée dans les rues qui nous tirait dessus. Moi qui me sauvais parce que je l’savais que quelqu’un me courrait après. Je me faisais attraper. Retour en arrière, une deuxième chance de m’en sortir.

Des fois j’pouvais mourir plus qu’une fois dans une même nuit.

Pis t’étais toujours la première personne que je cherchais, souvent même la seule. J’m’en foutais un peu de toute le reste, j’voulais être sûre que toi tu sois correct. Qu’on soit les deux. Quand j’arrivais à te trouver on pouvait regarder le monde mourir ensemble, les arbres qui pognaient feu pis le ciel qui devenait noir. Une fois, j’me souviens, c’était une parade dehors. Une fanfare qui annonçait la fin de toute. Y’avait d’la grosse musique, des tambours pis des cloches qui résonnaient. J’étais sortie dehors, l’air était sec pis le ciel trop rose. Presque rouge. Un couché de soleil en plein après-midi. Le défilé me rendait anxieuse, c’était des géantes personnes habillées en noir qui le runnait. Une planète venait s’écraser sur la Terre. On l’attendait patiemment, mais moi je pouvais pas relaxer parce que t’étais pas là. J’avais de la misère à pogner du signal, tu répondais pas. T’étais où? Je comprenais pas pourquoi tu me cherchais pas.

T’étais tu vraiment capable de mourir sans moi?


Me retenir de déprimer. J’la voyais venir, la criss, à m’empêcher de bouger, de faire des affaires. Je goûtais pu rien, j’avais pu de sensations. Toute était plate, mon vagin engourdi, mes mains inutiles. Les papilles mortes, pis mes chansons préférées qui faisaient pu aucun sens. Pu aucun plaisir dans rien, je me robotisais. J’avais le goût de dormir à l’infini, pis de toute abandonner.

U+221E

Pu me réveiller. Mais pas dormir non plus. Genre m’endormir ben sec pour pas avoir le temps de trouver mon lit trop grand. Trop froid. Trop toute.

Une vie remplie d’adverbes, vivre d’exagérations.

TROP

TROP

TROP

Drama Queen sans le vouloir, reine de personne. J’m’étais forcée à sortir de la maison, m’étais mise belle pour me motiver. Mais j’me trouvais jamais assez belle. La seule affaire qui m’encourageait à sortir c’tait la possibilité du regard des autres posé sur moi. Je vivais pour des inconnus, je servais à rien sinon. J’avais pogné l’habitude de survivre dans l’espoir que tu me remarques ou que tu penses à moi. Pis ça arrivait pas souvent. ‘Fait que j’étais morte la plupart du temps. Je m’étais mise une belle robe pour m’acheter un soya glacé. Je goûtais rien mais à cause des pépins je savais qu’on m’avait mis des framboises au lieu des cerises.

J’haïssais ça les pépins.

La vie se moquait de moi.

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Jasmine Craan Jasmine Craan

toune d'automne

« Vivre de débuts, beaucoup de fins inévitables. »

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Lui de nuit, moi de jour, on faisait rien que se manquer. J’avais essayé de m’adapter, de pu dormir. De suivre sa cadence, de m’éreinter, de garder les yeux ouverts, d’en prendre soin. Donnant-donnant, ça existait pas tant, non.

Juillet j’me levais en me demandant pourquoi, c’tait la routine qui embarquait. Première affaire je faisais c’était de checker si y m’avait pas texté pendant la nuit par mégarde ou par envie. Souvent y’avait rien, rien que des notifs futiles pis des bouts de sa soirée éparpillés pour tout le monde en général mais jamais pour moi en particulier.

Mes boîtes étaient enfin défaites, j’habitais la métropole. Faire l’épicerie, cuisiner, manger, refaire l’épicerie. Le cercle de la vie de locataire. Faire le ménage, se lâcher lousse une couple de jours, recommencer.

« T’as pas le droit de recommencer sans moi. »

Sorry, j’avais pas le choix Hubert. Ma soundtrack de l’été. Passer les nuits entières dans mon salon à broder des cossins sur des sacs en papier, devoir me rappeler que je devais pas minimiser mes efforts avec des synonymes rabaissant. Je faisais de l’Art. Toujours travailler plus pour moins penser à toute, produire, consommer, rouler pour pas se sentir lâche de juste vivre. Survivre. Aller au travail en pensant que c’est the only path viable. Acheter du lait d’amande en pack de quarante au Costco, I just won at life haven’t I.

Lui de nuit, moi de nuit. Pas l’choix.

Je m’ennuyais. Mon cerveau voulait vivre dans son mood. Une odeur pis un bruit ambiant, une toune douce pis son respire. Ses soupirs. De contentement. On était ben, souvent. Odeur de lavande, de sueur. Nos derniers moments qui planaient encore dans l’air. Qu’on fasse semblant. Des mots en suspens, on s’embrassait pour rien dire. Y lichait ses lèvres, je soupirais dessus, contrastes. Lumières tamisées, goût de nicotine pis de cyprine. Rifts de guitare pas clairs, la tête vide ben l’fun.

On créait l’insomnie ensemble, on devenait comédiens.

On empilait les cafés, mochas, biscuits, becs à trois heures du matin. En culotte pis en t-shirt, de la musique franco en arrière si c’était pas un docu plate. Toune d’automne en été, avec lui j’entendais la pluie dehors même s’il faisait beau. Chaque fois qu’il me demandait de passer la nuit, feeling de pédago flashback 2010. Juste les matins seules, après, qui étaient raides avec mes restes de rêves dans ‘bouche. J’avais pu envie de me lever, j’me recouchais sur le côté pis j’pensais à lui. J’pensais à lui pis à ses mains un peu, j’me demandais ce serait comment d’me réveiller avec elles sur moi. Ses doigts qui descendent le long des miens, qui agrippent ma taille,

caressent mes seins.

Cette nuit-là j’avais quand même rêvé à toi, étendu avec moi, qui me disait à quel point tu trouvais le lit confortable.


On s’était croisé quelque part où on aurait pas dû. Ça adonnait toujours qu’on aboutissait à la même place, sauf y’était tout l’temps pressé. Le temps filait de son bord pourtant la vie le mettait sur mon chemin. Pour me tease on dirait, pour me faire plaisir de temps en temps peut-être. Mes mots étaient vides parce que ma tête était pleine pis toute se bousculait. Ce qui sortait de ma bouche faisait pas de sens parce que pourquoi y’était là pis j’étais là mais on était trop loin pis j’avais le goût de pleurer mais aussi le goût de sourire jusqu’à éclater ma mâchoire mais j’voulais qu’il éclate son corps sur le miens pour qu’on fasse de l’art pis qu’il oublie ses obligations parce qu’on rajeunissait pas pis là c’était le temps de faire semblant de s’aimer pour vrai. Je les prenais toujours occupés ou solitaires comme si j’aimais ça pas être une priorité. J’en cherchais peut-être un occupé qui ferait de la place pour moi. Problème d’égo. Un constant besoin d’être spéciale, mais pas pour n’importe qui. Je choisissais ceux qui avaient mieux à faire, une carrière, des amis, des responsabilités, une vie, une blonde à aimer. Je me plaçais tout de suite deuxième pour mériter la première place. Fucking virgo. J’en prenais qui avaient pas besoin de moi, pour créer un manque. Chimiste. J’avais besoin de faire mal pour me sentir bien. J’avais besoin d’avoir mal pour être heureuse. Poète. Le soleil qui faisait perler quelques gouttes sur mon nez, un écouteur qui pendait de mon oreille l’autre qui blastait les Cowboys un peu trop fort, mes livres neufs dans les mains, dès qu’il eut tourné le dos pour partir je l’avais regardé comme si c’était pas vrai des mots encore au bord des lèvres parce j’avais pas réussi à tout dire en si peu de temps. Flash. On prend une photo de moi avec le mur de briques en background, c’est donc beau Montréal. J’ai jamais su si on voyait la détresse dans mes yeux, ou si mon cœur battait au travers ma minuscule camisole d’été.

J’avais tu l’air heureuse, les mains pleines.


Grosse déprime d’après simili-amour. J’aimais donc ça les petits frissons au début, apprendre à se connaître, les balbutiements d’un je-sais-pas-quoi. Mais vivre de débuts, c’était beaucoup de fins inévitables. J’haïssais les fins. It never ends, qu’a disait pour se consoler. Trop peur que ça arrête, que ça s’oublie, que ça existe pu pis qu’y ait aucunes traces nulle part. It never ends, un gros mensonge pour les nostalgiques. Pour les écriveux de bout de napkins, pour les peureux pis les menteurs. Mentir à moi-même, j’étais pas capable ben longtemps. Fucking ascendant.

Over analysing, over thinking, pas encore over you tho.

Arracher mes cils comme les pétales d’une fleur juste pour occuper mes mains. Je me décomposais pis c’était plus fort que moi. Je vivais dans une constante polarité, à vouloir que tout le monde me veuille mais vouloir personne, à aimer l’été juste avec la clim pis à détester l’hiver si j’avais pas assez de couvertes. À vouloir que tu me textes, mais pas trop parce que j’ai peur de l’engagement. À vouloir rencontrer du monde mais pas sortir de chez nous.

Déprime d’hiver, mais en été. Avoir les blues. Ma couleur préférée.

T

A

S

Googler déprime saisonnière pour voir si ça se peut que le trop de soleil me joue dans la sérotonine, pas m’avouer que je suis juste à tendance dépressive tout court. I got power, poison, pain and joy inside my DNA. I got hustle though, ambition, flow, inside my DNA. I was born like this, since one like this. Google disait que si je déprimais en été y’avait pas de remède sauf same old antidépresseurs et psychothérapie. Ça disait de baisser les lumières, hibernation. Vivre dans le noir, ok. Fermer les lumières, les rideaux, les yeux. Dodo. Deux-trois siestes par jour, étais-je assez chatte 2.0.

I got dark, I got evil, that rot inside my DNA

I got off, I got troublesome, heart inside my DNA

J’avais envie de mourir. La vie était plate d’un coup. Pas assez de bons moments, j’obtenais jamais c’que je voulais. J’étais tannée de brailler, tannée de me sentir mal aimée ou pas aimée pentoute. J’étais tu’ seule, même en public. Tu’ seule en foule. Tu’ seule avec les collègues, les amis, la famille, les voisins de blocs, les étrangers dans ‘rue, avec la boîte de DMs pleine. J’me sentais juste pas seule quand j’étais remplie, quand mon puzzle était comblé, quand je me faisais prendre pis des fois regarder dans les yeux. Je savais pas quel syndrome j’avais, quel cliché j’étais. J’étais tannée de courir après des réponses de passer mes soirées à espérer un come over ben sec pis d’être déçue de la personne qui l’envoyait. Je pouvais pas me contenter de ce que j’avais j’avais l’impression de rien avoir mes jours étaient vides mes nuittes étaient longues j’écoutais la musique du voisin d’en haut pour me rappeler que la vie continuait, par boutes c’tait comme si elle s’arrêtait, à force de le souhaiter trop fort peut-être. Tannée d’avoir le goût de pogner en feu de fantasmer sur la fin de jouir sur le noir profond dans lequel je me pâmais. La vie à un fil. Lol oué oué it never ends.

Y’était tu trop tard pour rencontrer quelqu’un qui allait tomber amoureux de moi, j’avais peur que t’aies été ma seule chance. Mon âme sœur. C’était tu ok de pas passer sa vie avec? J’allais tu rencontrer quelqu’un de mieux que toi? Me résigner tranquillement à vieillir single parce que ceux que je voulais se passaient de moi trop facilement. J’empilais les rejets pis les défaites, j’essuyais mes larmes du revers de la main en étendant au passage toute mon makeup. I don’t want to see you later. Je m’habillais ben comme si t’allais m’inviter à sortir, le soir j’enfilais un beau déshabillé comme si t’allais sonner à ma porte. J’avais le goût de pitcher des doubles de clés pour que peut-être je dorme pas toute seule à soir. Tannée de me faire appeler pour de l’affection pis jamais me faire flatter les fucking cheveux. Bing bing, on me prenait fort, ça jute, après bye. L’amour c’tait trop compliqué même si c’tait pas censé. Pis je voulais pas être en amour anyways.

Tell me when destruction gonna be my fate

Gonna be your fate, gonna be our faith

Peace to the world, let it rotate

Sex, money, murder—our DNA

Je voulais juste qu’on pense pas à demain.

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Jasmine Craan Jasmine Craan

irl

« Le début de notre épopée qu’on savait pas qui allait finir en vrai tas de marde. »

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Des fois j’avais l’impression de pu savoir qui j’étais depuis que j’étais pu avec toi. Depuis que moi était pu nous, que moi était juste moi avec personne entre parenthèses. J’avais pu autant de répartie, j’avais pu personne avec qui la pratiquer, trop isolée. Avec toi j’étais moi, parce qu’on parlait tout l’temps. C’était de revenir à la maison pis de te jaser, d’avoir quelqu’un toujours là. Mais là j’avais pu personne. J’avais pu personne pour me compléter. J’avais pu autant de conversations. Ça faisait comme si ma personnalité commençait à fader. Enfermée chez nous je pouvais pas faire de jokes, échanger, je savais pu comment ma voix sonnait. Je me reconnaissais pu. Je savais pas non plus si j’avais aimé tant que ça la personne que j’avais été avec toi. Mais au moins dans ce temps-là j’avais un je.

Ce printemps-là je me suis cherchée beaucoup. J’me suis pas tout à fait trouvée non plus, me suis juste vue mieux. À la loupe, aux jumelles, avec un télescope trop petit pour m’être aperçue comme faut. J’ai vu mes constellations, ma carte du ciel qui me criait des défauts en pleine face. Printemps d’apprentissage. Apprendre que je suis désagréable, picky, perfectionniste, gossante, autres adjectifs pas fins qui faisaient que j’avais beaucoup de travail à faire sur moi-même.

Le printemps de force.

« Ne t’arrête jamais d’être sur le point d’éclater, et n’éclate jamais. »

J’étais déchirée entre le fait de pas vouloir être complétée, de vouloir être moi toute seule au complet en entier en entièreté de ma propre personne juste moi, avec peut-être quelqu’un en plat d’accompagnement juste pour agrémenter le au-complet que j’étais, ou d’accepter la compagnie de quelqu’un dans ma vie. J’avais eu de la misère à assumer l’envie d’avoir la tienne des fois, je voulais avoir l’air indépendante j’pense. C’était tu plus fierce d’accepter sa solitude ou d’accepter le fait d’aimer ça être deux. C’est tu correct d’avoir envie de se faire flatter les cheveux des fois? J’avais beau pouvoir étamper mon criss de gros dildo dans le miroir de la chambre, doggy c’est pas pareil sans les mains autour de la taille, la poignée de cheveux dans une main, les dents au cou.

Printemps, envoye, décalisse avec ta pluie pis ta slush brune et non bleue, avec ton soleil agace-pissette pis tes osties de vents frettes qui me donnent envie de me gunner.

Pis j’étais trop gratte-cennes pour monter le chauffage. Je me faisais des cacaos à la place pour truquer mon corps gelé. Mes mains contre la tasse bouillante, ça m’arrêtait de grelotter. C’tait que la fenêtre de la chambre était mal fermée pis j’étais pas capable de l’enclencher comme y faut mais j’me donnais comme défi de vivre avec, j’avais l’impression que c’était une métaphore qui m’endurcissait.

Voir la vie en métaphores, j’étais drôle des fois.


T’étais venu me chercher au métro. J’avais pas dit à ma mère que c’était la première fois je te rencontrais parce qu’elle m’aurait dit de pas rentrer dans le char des inconnus. Je m’étais ouvert un livre en t’attendant, m’étais dit que si tu m’apercevais au loin ç’allait peut-être te charmer. J’allais être cute. J’avais juste le premier tome d’Harry Potter dans mon sac. Fair enough. Je m’attendais vraiment à rien avec toi, ça faisait longtemps que t’essayais de me voir pis que je chockais pis je sais pas qu’est-ce qui m’a pris de finalement te dire oui mais là j’ai eu de la misère à trouver ton auto, t’as sorti ta main de la fenêtre pour me faire des signes pis je devais avoir l’air conne, parce que j’étais gênée. Je suis rentrée dans l’auto pis t’étais plus beau que j’pensais. Fuck. Tu parlais ben. J’aimais ta façon de t’exprimer, ça m’avait marquée tout de suite. J’étais moins stressée pour notre journée. Tu m’amenais chez toi. Je vivais vraiment dangereusement.

Je m’attendais à une maison un peu crasse, mais allo la bourgeoisie. Tu vivais dans le sous-sol pis c’était beau. J’aimais déjà ça chez toi. Me souviens que ç’avait pris du temps avant que tu fasses un move, même que j’ai pensé pendant un bout que finalement peut-être je t’intéressais pas. Me souviens qu’un moment donné on s’était étendus par terre pour regarder le plafond, pis on était bien. Y s’était rien passé cette journée-là, tu m’avais reconduit chez nous en passant sur une rouge.

« Tu verras sans tes warnings comme la route est toute humide. »

J’avais pas arrêté de penser à toi.

On s’était revus pas longtemps après, les deux étendus dans ton lit. Ç’avait été tellement long avant que tu mettes ta main sur ma cuisse pour me flatter. T’avais des belles mains. Ça m’excite les belles mains. Quand ton ordi a manqué de batteries ç’a été notre élément déclencheur. Le début de notre épopée qu’on savait pas qui allait finir en vrai tas de marde.

T’as mis l’ordi de côté pis on a rien dit. J’ai mis ma tête sur ton chest, tu flattais encore ma cuisse. J’ai relevé la tête juste un peu, t’étais assez proche pour que nos bouches se frôlent.

Notre premier bec.

Le début de la fin.


Été. Chaleur. Maillots de bain sueur slush puppie vodka clopes glissades parc gazon.

De ces temps-là je siestais souvent, j’essayais de changer de beat de vie pour devenir quelqu’un d’autre. Tannée d’être moi, prise dans l’néant. Je veillais tard juste pour dire. J’essayais d’me faire vivre d’autres affaires. Penser de moins en moins à toi. Penser à toi une fois par jour, juste pour dire. Pas plus.

L’été la saison des corps nus, des corps nouveaux. Des corps qui s’entrelacent, mais pas pour longtemps. Des corps qui font semblant et qui s’assemblent bien mais pas trop souvent. Les bars, les bières de dep dans les sacs bruns, les dates trop souvent pas bonnes. J’avais pas toujours pogné des bons gars, après toi. Des boys que j’aurais mieux aimé pas me souvenir de. Des beaux caves. Des gars à qui j’avais même pas pris la peine de demander la date de naissance. How crazy. Je m’étais faite ghosté des fois, pis j’en avais ghosté aussi. Fantômes du vingt-et-unième siècle, c’est nous qui hantons les maisons pis les cellphones.

Année de marde, mais au moins on était déjà à la moitié. Six sur douze. Un sur deux. Je connaissais mes fractions, toi plus moi ça égalait pu rien. Juin. Été. Soleil. Canicule. Les grandes chaleurs. Mon prochain était pas François Arnaud, mais y l’accotait. Je me fractionnais pour plaire, j’avais de nouveaux nombres à collectionner. Pas-François-Arnaud, le premier gars qui m’a fait aimer l’été, qui m’a donné le goût de me dépasser. De l’impressionner. Je suis pu une épave. On s’était parlés beaucoup avant de se voir, on s’était croisés juste une fois.

Un crush.

De mon goût, fort fort. Rencontre par réseau social de deux asociaux. On s’était cruisés. Y cruisait ben. Y’était beau. J’me trouvais belle quand y me le disait. J’ai un peu compris que oui, ça se pouvait, passer par-dessus toi.

« Je vais faire une sieste. Viens. »

Ok. Je suis arrivée chez eux, contente d’être là. Papillons dans le ventre mais Safia pas là pour les calmer. J’étais pas fan de ça les papillons, mais y me donnait des monarques un peu cutes dans le bas-ventre alors c’était correct.

Je l’ai regardé, agréablement surprise. J’avais pas su à quoi m’attendre, mon souvenir de lui était flou. Mais y’était plus beau que c’que je pensais, beau tout court. J’ai souris parce qu’y restait là à me regarder.

« T’as finis par trouver la place. »

« Google Map, mon meilleur ami. »

« Pas pour te faire chier, mais j’pense qu’y partage ton amitié avec beaucoup d’autre monde. »

« J’pas jalouse, ça me dérange pas. »

« Ah, cool. »

J’avais hésité à enlever mes souliers, me suis fiée à son accoutrement pour faire mon choix; bye les docs. Mes bottines se sont perdues dans la marée de chaussures qui bordaient le portique; ça paraissait qu’il habitait pas tout seul. Vie de colocation, c’est comment la non-solitude? J’étais contente du feeling que j’avais. J’pense que j’appréhendais. Tout était possible, tout pouvait arriver. J’appréhendais nos prochains moves. Voir si y me trouvait encore de son goût, lui. S’il était content s’il allait me cruiser IRL si on allait s’embrasser aujourd’hui me demandais comment la conversation allait couler si on allait bien s’entendre si y’allait avoir des silences malaisants ou corrects-à-l’aise mais en me disant tout ça j’ai réalisé qu’on parlait non-stop depuis le début. Ça coulait. Couler. Mon titanic. Allo, je t’apprécie et t’es beau à voir jaser comme ça. Retour de la répartie, merci d’être mon Cranium. Pas-François-Arnaud restait sérieux mais me laissait voir qu’il avait du fun. Qu’il était content. Ça me faisait plaisir. Il m’avait fait visiter le grand cinq et demi, j’avais complimenté les pièces comme si je connaissais ça. Ça l’avait fait rire. On est allés voir sa chambre en dernier, la pièce cruciale. Y’avait déjà un film qui jouait, je le connaissais pas. Becs sur fond inconnu. Merci pour la gorgée de café, merci pour les doigts sous la jupe. Merci juin pour le linge facile d’accès et l’espèce de petit feeling que tout allait bien aller.

D’un coup l’année s’enlignait moins mal.

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Jasmine Craan Jasmine Craan

palm bay

« Si lui était un alligator, toi t’étais plus un serpent venimeux. »

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Un autre lundi. Avril, maintenant. C’était le soleil au travers la fenêtre qui m’avait réveillée. Ma pôle de rideaux était tombée pendant la nuit. Criss de chats. Je devais tout faire toute seule maintenant. Ouvrir mes pots de végénaise, monter les meubles Ikéa pis manger la montagne de crêpes que je faisais le matin en pensant encore qu’on allait être deux.

Passer autant d’années avec toi et du jour au lendemain faire comme si t’existais pu. Pu de bonne-nuits avant de se coucher, pu de bon-matins. Pis en même temps j’avais pu le réflexe de le faire non plus. Échapper mes habitudes avec vitesse, perte de la tradition. Gros bloc de ma vie disparu, presque inventé. Existais-tu vraiment. T’avoir inventé, je t’aurais sûrement fait moins trou d’cul.

D’habitude ça prend du temps avec quelqu’un avant que j’aie de la jasette mais j’aimais ça t’parler, ça coulait ben. Je sais que j’disais souvent des affaires insignifiantes, des jokes plates, j’aimais ça faire la conne. Mais c’est aussi que vers la fin j’avais pu l’impression que ça servirait à d’quoi de dire des choses importantes. Ç’allait rien changer pentoute de dire comment j’me sens. Ça intéressait qui, en fait, de le savoir. J’étais à peine capable de le mettre en mots moi-même le comment-je-me-sens. Je l’savais depuis un boutte, tho, que la majorité du monde écoutait dans l’but de répondre, pas de comprendre. Le monde écoute pour parler. Ça posait des questions avec déjà leur anecdote en tête. Moi je répondais n’importe quoi pour être polie parce que je savais que ça importait peu. Je pouvais dire c’que j’voulais.

Je m’invente à moitié, mes réponses sont des répliques bien rodées.

Personne s’en rendait compte parce qu’au final ça les intéressait pas vraiment. J’avais appris à bien écouter maintenant que j’avais pu rien à dire. Sauf si j’ai fini par te dire des choses, c’est que t’étais important pour moi. Quand j’étais maladroite, que j’m’ouvrais, que je te racontais, t’avais gagné. Tu m’as gagnée un peu. Parce ça m’arrivait pas souvent. Tu m’avais gagnée mais tu m’as perdue vers la fin. J’ai fini par retomber dans mes anciens patterns de tout garder pour moi jusqu’à exploser. Tu devais t’en rendre compte quand des fois tout d’un coup j’étais fâchée pour rien. Ou tu devais penser que j’étais difficile. Empotée. Feux d’artifices. Anyways. Grande habituée de me consoler toute seule parce que j’avais toujours eu des lovers dans pires états que moi, je devais être la maman. Tourne la cassette de bord, on oublie on oublie. Peux pas m’apitoyer sur mon sort, les mamans ça fait pas ça. Pas l’droit. Combler le vide en mettant le son au maximum sur mon ordi. Je me demandais si un jour mes voisins allaient cogner à ma porte pour me dire de faire moins de bruits, je chantais fort. My heart will go on de Céline, je chantais faux.

Première baise après toi. Pas chanceux, était bonne. La chance de mon côté à moi, pour une criss de fois. Trèfle à quatre feuilles dans la poche de mon jean, patte de lièvre entre les dents. Chanceuse dans ma malchance, je tombais amoureuse vite parce que j’adorais être triste après. Bdsm solitaire, vie d’artiste maudite. Je vais t’aimer pour écrire sur toi, je vais t’aimer pour pleurer un peu.

Mais y’était beau pis fin, on se couchait en cuillère dans son grand lit king, pis chez eux y faisait froid ça fait qu’on était obligés de rester collés toute la nuit. On refourrait le matin. Avant lui j’avais toujours été une lève-tôt matante qui s’couche à vingt-deux heures pour être sûre d’être en forme le lendemain. Y’avait changé toutes mes habitudes. J’étais maintenant une vraie Montréalaise qui s’en calissait tu d’être cernée pour le reste d’la semaine. Y m’callait un uber comme si j’étais Carrie Bradshaw pis j’arrivais chez lui dépasser vingt-trois heures pour qu’on écoute la tv ben collés sur son grand sofa de gars pas pauvre comme moi. Y nous commandait du gros junk food pis y s’arrangeait toujours pour que j’aille un p’tit cocktail de dépanneur qui traîne que’que part parce qu’y savait que j’aimais pas ça la bière. Ça goûte le cul, maux de cœur.

Ça m’avait frappée la force avec laquelle y’avait envie d’moi. Comment y’avait de la misère à garder ses mains sur lui, de son bord. On était dans une seule grosse bulle, la même personne. Masturbation à la chaîne. On s’autosuce, on fait semblant de s’aimer. Juste pour une nuit. Svp.

Sa queue qui me pénétrait pour la première fois, l’étroitesse. Un centimètre à la fois. Les mains sur mes hanches qui serraient fort la chair, le gras, la peau. Les cris. Sa paire d’yeux flottant entre mes jambes comme ceux d’un alligator au-dessus des eaux douces. Marécages, étangs, lacs, rivières, mouillée mouillée mouillée ben raide. J’étais la proie dont il se régalait, sa charogne de Baudelaire. Le contraste entre la rapidité qu’avaient eue ses doigts à me pénétrer pis la lenteur dont ces mêmes doigts avaient fait preuve en descendant le long de ma colonne vertébrale. Mieux que l’air clim en canicule.

C’était pas tes mains, pas tes yeux, pas ta queue, pas tes mots, pas toi du tout. Clash.

Si lui était un alligator, toi t’étais plus un serpent venimeux.

Ses lèvres charnues, pas les cheveux assez longs pour que le vent de dehors les fasse bouger, mais assez pour faire cligner ses grands cils. Ses yeux pas le même brun que les tiens. Caramel qui fond dans la bouche, ça faisait du bien de frencher. De me rappeler que mes lèvres servaient pas juste à gercer à -20. Je sers à quoi.


Pas capable de me passer de Céline. Douce façon de commencer mes matins. À gorge déployée je disais à mes voisins you were my strength when I was weak you were my voice when I couldn’t speak. Je leur disais ça pendant que la cafetière se laissait aller dans mon thermos. Mochaccino, la vapeur s’échappait du contenant métallique pour réchauffer la pièce au complet. J’étais douce dans ma morning routine crème sérum primer concealer bronzer blush j’étais prête pour la journée. I feel that I’m alive I am alive. Déjeuner en scrollant Instagram, encore trop de crêpes dans mon assiette. T’étais où coudonc. Vœu exaucé: tu m’avais envoyé un message. Tu prenais de mes nouvelles. Moi qui rêvais d’être célibataire, Samantha Smith, grosse envie de brailler. Ça m’avait trop prise par surprise que ça finisse, encore mon égo. Être célibataire, oui j’aimais ça. Juste le temps de m’habituer juste le temps de m’habituer. Réhabilitation. Halp. J’avais comme mal partout pis j’me sentais pas encore chez moi. Toutes mes affaires en mottons un peu partout, ramassées en grands tas que j’avais pas l’goût de défaire. Pas tant l’goût de te répondre non plus.

« Ça va correct, toi? »

Les murs sont blancs, j’ai hâte de les salir un peu.

Je savais pas pourquoi je procrastinais à placer mon stock, j’haïssais assez ça vivre dans des boîtes. Je devais encore piger mes outfits dans des gros sacs à vidange ben noirs ‘faitque y fallait toute je sorte du sac pour trouver un seul morceau. C’est pas ça la vie. Ça peut pas être juste ça.

Même avec mes rideaux la lumière passait au travers pour plonger la chambre dans un genre de jaune doré, pour pas dire pisse. J’étais restée dans le rayon, comme un félin, pour profiter du chaud. Mon visage illuminé, mes cheveux derrière les épaules qui pendaient sur mon dos. Pendus. Pâmée devant la grand’ fenêtre. I must be crazy now Maybe I dream too much. Encore Céline en arrière. Les voisins allaient ben finir par se tanner. C’est comme si j’attendais juste ça. Que quelqu’un m’awknowledge. J’existe. Les yeux ouverts face au soleil, je jouais avec le feu. Les iris vert ben ben pâle, du roux qui ressortaient de mes sourcils. C’était brûlant dans ma face et ça contrastait avec la froideur que je savais qui régnait dans l’appartement. Je restais dans mon petit rectangle, safe. Comme une cage au milieu des requins.


C’tait juste le soir que l’alligator me textait. Occupé le jour. Les gars de Montréal étaient occupés en journée, j’avais remarqué. Dormir. Faire semblant de. Un soir par semaine, assez de temps pour te texter. Pourquoi c’est juste les gars dont je me calissais qui avaient autant de temps libres?

« Hey. » Ce mot-là avait fait vibrer le téléphone dans ma poche. Ok, prendre une douche, se crémer, parfumer, maquiller, habiller juste correcte parce que les vêtements duraient pas quand on se faisait texter la nuit par un croco. Beaux dessous par exemple, même si la culotte léopard en grand G-string allait pas rester étampée dans la raie ben longtemps. Placer les cheveux, ça devait sentir bon. Étais-je assez chatte.

Devant chez lui, la porte s’était ouverte illico. J’étais pas entrée tout de suite, continuais de fumer ma cigarette sur son perron. Catwoman, je me laissais un peu désirée.

J’avais commencé à fumer à contre-courant de toi.

« C’est tu un perron même si t’es en appart? » J’avais dit. Lui avait ri, ses yeux plissés en deux croissants heureux. Petit velours, j’ai souri en expirant la boucane qui nous séparait momentanément l’un de l’autre.

« C’est ce que tu veux. Tu peux fumer en dedans aussi, hen. »

J’ai quand même jeté mon mégot sur le trottoir avant d’entrer dans son chez-lui. Dans son monde. Ça faisait crissement changement du miens qui était en construction depuis un mois. Avec mon délire dans l’entrée, j’avais scrappé l’accolade des bonjours. J’ai laissé mon sac traîner avec mon manteau en me demandant ça allait prendre combien de temps avant que nos corps se touchent à nouveau.

Pas longtemps.

Assise sur son sofa, y’était venu directement s’asseoir à côté de moi pour embrasser mon cou. Un bisou qui en demande d’autres, un avant-goût de la soirée.

« Down de boire? »

« Oui. »

Palm Bay pour moi. Il était revenu avec les rafraîchissements qui allaient faire monter la température. Sur le divan, en tout cas. On avait pris une gorgée en même temps, la sienne plus longue que moi. Déjà, il prenait le dessus. J’étais pas sûre de si ça voulait dire qu’il allait m’aimer plus fort ou juste vraiment moins, qu’est-ce qui prenait plus de courage s’abandonner à l’amour ou s’en dissocier? Tourne la cassette de bord, on pense pas à ça on pense pas à ça. Sa main dans mon dos qui finit par me serrer la nuque. Un petit massage, alligator défaisait mes nœuds. Quand sa main a eu fini de me montrer ses prouesses, elle avait descendu le long de ma colonne pour venir entourer ma taille. J’avais mis ma main sur sa cuisse. Ma main qui va-et-vient sur son trackpants, contente qu’il était habillé en mou pour voir à quelle vitesse il devenait dur. J’avais enlevé ma main pour une autre gorgée. Igloo igloo, fallait noyer les papillons dans mon estomac. Igloo, Safia qui chantait dans ma tête pour me relaxer.

J’étais nerveuse pour rien, on allait s’oublier bientôt anyway, je l’savais, j’tais pas si conne que ça.

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Jasmine Craan Jasmine Craan

rien de charmant

« Faut tu être assez conne pour oublier les autres poissons dans l’eau. »

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Folle. C’est comme ça que tu me faisais sentir. Quand tu comprenais pas les mots qui sortaient de ma bouche. Quand je te disais des phrases mais que tu les décortiquais en y apposant des suppositions un peu partout. Tu mettais ta touche sur ce que j’avais à te dire. J’ai eu la même manie souvent, sauf moi c’était pour essayer de te comprendre pour te connaître plus que je me connaîtrai jamais. Toi c’était pour me rendre folle.

Je sais pas pourquoi j’ai tant été surprise que tu m’aides pas à trouver un appartement. À déménager. Peinturer. Placer. Que t’aies pas été là quand j’ai décidé de mettre la chambre dans le salon pis le salon dans la chambre. Ou ben, des fois je me dis que j’ai sûrement pas été assez surprise. Je te laissais toute faire comme si c’était normal, faute d’être compréhensive toujours en train de me faire marcher sur les pieds. Je suis pas restée fâchée contre toi assez longtemps. L’amour inconditionnel, t’aimer plus que les enfants que j’ai pas encore. Criss. Laurence Anyways.

Les écouteurs dans mes oreilles avaient pas empêché le vieux monsieur à qui j’ai laissé ma place de vouloir me jaser. J’ai enlevé un écouteur, y me disait merci encore une fois. J’ai souri un derien. Le monsieur m’interpelle encore y se sentait seul, lui aussi, ça paraissait. M’a demandé c’que j’écoutais. M’a parlé de la musique que lui écoutait. Qu’il jouait de la musique lui aussi. Qu’il avait été dans un band. J’ai enfin débarqué à ma station. Toi ça t’aurait sûrement gossé qu’il s’étale de même, moi ça m’avait rendue triste. Me suis perdue dans ma tête, parce que je réalisais que tout le monde avait des vies que j’allais jamais connaître. Aussi y’avait ta vie à toi que je connaissais pu non plus.

J’étais jalouse de la tasse de café que tu frenchais sûrement encore chaque matin, pis de la chaise que tu prenais par le dos pour la reculer avant de t’asseoir dessus.

Ça faisait longtemps que tu m’avais pas brassée.

Sauf ma peine tirait sur l’égoïsme. Trop d’existences autour de moi qui faisaient pas de sens. Trop de personnes qui allaient vite tomber dans l’oubli. L’oblivion. Ma plus grande peur, être mise de côté. Qu’on s’en souvienne pu, de moi pis ma petite vie tranquille. De moi pis mes chats pis mes stories pis mon appart laid pis de mes études que j’ai pas fini pis de mon compte en banque vide. Peut-être mieux de même finalement, j’aime mieux pas m’en souvenir non plus.

Un party pour me remonter le moral un peu, même si je me répétais la même phrase : « J’me suis pas faite dompée, c’tait une décision commune. » Je reste une épave.

Le locataire numéro un de l’appartement me salue : « Comment tu vas? T’as l’air poquée en criss. »

« J’suis déprimée à cause d’un monsieur dans le métro, c’a pas rapport avec mon ex. »

Toi, mon ex. Toi, la suite logique des lovers que j’ai eu. Je les choisis mal. Ils m’aiment toute pas assez, je les choisis trop indépendants pour mon besoin d’attention irréparable. Une Instababe même à la maison, like moi svp. Écris un commentaire sur mon corps, bodypaint moi à ‘grandeur m’en fous que t’aies pas de crayons.

Crie-le au pire, juste me montrer que j’existe un peu des fois.

« Arrête de jaser aux messieurs dans l’métro. »

J’ai regardé autour de moi le bouquet de jeunes adultes qui tapissaient le salon, évachés sur le sofa, avec leur taille-haute qui leur faisait une drôle silhouette. J’en portais un moi aussi, j’fittais avec la horde. J’avais beau me sentir mouton noir, je restais un mouton pareil. Est où ma fable.

À la cuisine, on m’a lancé une canette de bière que j’ai attrapée à ma grande surprise. On m’accueillait à coups de shotguns ça allait toute scrapper mon rouge-à-lèvres foncé-mais-pas-trop mais j’ai faite comme si rien n’était pis on a tous sorti notre trousseau de clés. Toc résonnant, fluides qui explosent et dégoulinent dans nos mains, j’avais les doigts collants et les lèvres collées sur ma tiède blonde. Ma blonde Blue Ribbon, très moins glamourous que dans la toune de Lana Del Rey. Stealin’ police cars with senior guys, non moi je prends toujours le bus. Trois-quatre shotguns encore, pow pow, balle au cerveau.


T’es le centre du monde. Tout tourne autour de toi. Tes mains pis tes yeux. Ton corps. Ton cou. Ton regard sur moi. Ton regard ailleurs, quand je suis pas le centre de ton monde à toi. Quand tes yeux bruns regardent ailleurs que moi qui essaie d’être belle. Tes mains ailleurs que sur la peau que j’ai parfumée pour ton nez. Tes papilles, qui me goûtent pas. J’ai mal quand ton centre est ailleurs. Parce que rien tourne sans toi. Pis ce soir là t’étais ailleurs. Faut tu être assez conne pour oublier les autres poissons dans l’eau.


We all look for heaven and we put love first. J’avais pas soupé avant de venir, je m’étais auto-sabotée. Don’t cry about it, don’t cry about it. Encore combien de shotguns avant que je perde la tête et que je fasse une cruche de moi? À suivre. Pour l’instant je restais dans la cuisine, avais sauté pour m’asseoir sur le comptoir et thank god qu’on pouvait fumer en dedans. Pré-roulé dans ma sacoche, moi pré-roulée dans mon crop-top moulant. Fuck mars pis le reste de ses grands froids, ça me rappelait trop mon lit vide. J’ai regardé autour la marchandise qui s’offrait à moi. Ça faisait longtemps que j’avais pas fourré, je devais me l’admettre. Je savais même pu si j’savais comment cruiser, si je pognais encore. Parce que j’aimais ça cruiser. Avoir l’attention, toujours l’attention.

Like-moi j’ai dit.

Ça faisait longtemps j’avais pas eu de contacts humains, une main dans la pente de mes reins, des doigts qui pressent ma nuque. Je savais pas à quel point ce serait facile d’en choisir un et de le ramener chez moi, ou juste de le frencher sur un des divans. Je savais pu comment la luxure marchait dans la vingtaine, tu m’as fait perdre des années d’expérience. Je fumais ze pot tranquille, j’expirais au plafond qui commençait à jaunir. Tomber dans la lune facilement, ma Saturne est en poisson. And that’s where the beginning of the end begun.

J’ai arrêté de croire à l’amour à mes quinze ans. Je croyais à la coexistence de deux personnes qui se choisissent parce que ça marche bien. Ça m’a peut-être rendue plus dure à aimer de pas croire aux contes de fées. Avoir cru à l’amour plus tôt je serais encore avec toi, j’pense. J’aurais peut-être été plus fine pis plus attentionnée. Plus dans le moment présent. C’était sûrement perdu d’avance avec mes idéaux pessimistes, sur la défensive avec mon grand bouclier pis le mur que je retenais de s’effondrer. Je réalise les choses en retard. J’ai jamais été super assidue, je plâtre les trous pour pas que tu les vois.

Je suis arrivée chez moi dans les trois heures du matin, seule. Petite déception, je savais pas si j’allais finir par m’habituer à ça. Plus qu’éméchée, j’avais les lèvres engorgées de sang; moi pis ma chatte on avait été prêtes toute la soirée. Pu l’choix de m’en occuper moi-même sinon j’allais pas réussir à dormir. J’ai ouvert mon ordi et cherché de la porno potable. Deux filles se soixante-neuf, un gars se crosse en POV, de la desh partout, dèsher dèsher dèsher. Ce mot fucking laid. Scroller. Porno potable parce que très bas standards. La société m’avait tellement brûlé la tête que d’voir une fille se faire venir dans ‘face ça m’excitait. Pas l’choix, moi pis mes envies nous étions accommodées à l’offre. Rien de charmant, j’étais assise sur ma chaise les jambes écartées. Après quatre minutes et le poignet engourdi, j’étais couchée.

Bonne nuit.

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Jasmine Craan Jasmine Craan

manquer d'air

« Y’avait toi nulle part pis desfois ça me faisait manquer d’air. »

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J’étais une tornade. Une pas pire grosse. Par là j’veux dire que j’étais mêlée. Je me convainquais beaucoup que je l’étais pas, par exemple, pis j’pense que tu me croyais quand j’avais l’air sûr de moi. J’étais insécure dans l’fond.

J’étais insécure sauf je pensais qu’on allait résister à toute. Aux tempêtes, aux embûches, aux ouragans, pis même à la tornade que j’étais. Je pensais qu’on était un antidote à la mort. Je nous ai pris pour acquis parce j’nous aimais trop fort. Je fais toute tout croche.

C’était lundi, pis comme les derniers jours je m’étais levée un peu sur le qui-vive. J’ai sursauté à moitié en regardant les quatre murs blancs qui m’entouraient, m’enfermaient, en voyant les boîtes par terre, en sentant la place froide à côté de moi dans mon lit double. Tu disais toujours que je dormais tout croche dans le lit, que j’prenais toute la place, c’est là que j’aurais pu t’prouver que t’avais tort; la place à côté de moi était intacte, les draps à peine tirés. J’étais recroquevillée sur la gauche, côté du cœur de mon deux-places, un oreiller dans les bras.

Premier lundi de mars, c’avait été rough déménager toute seule avec mes petits bras pas capables de faire des chin-ups pis mes cinq pieds de hauteur. Cessation de bail triste que j’avais signé à la va-vite après avoir visité une dizaine d’appartements dégueulasses à Montréal pis de m’être fait couper l’herbe sous l’pied par des locataires plus intéressants qu’moi quand c’avait un peu d’allure. Desfois c’avait beau être sur le Plateau, avec mon budget de fille-toute-seule, les apparts étaient minuscules avec des taches sur les murs. Y’a fallu que je laisse faire mes grands rêves de bourgeoise pour mettre le cap vers Hochelaga. Toutes des cessations de bail, tout le monde voulait crisser son camp de là-bas. Quartier à mauvaise réputation, j’ai pensé bien m’y fondre.

Notre appartement à nous était beau. Y me ressemblait pas, par exemple. Y te ressemblait pas tout à fait non plus.

C’était terne. Beige. Brun.

Température pièce, sans tumultes.

On était pareils, desfois, toi pis moi.

On se chicanait pas, mais vers la fin ça nous a vidés quand même.

Je repense aux fois où j’ai essayé de mettre des saveurs dans nos journées qui commençaient à s’empiler, quand j’mettais ma bouche fraîchement pulpée proche de toi pour que t’aies envie de me frencher fort. Tu pognais jamais le hint. Pis quand je repense à ça, j’me dis que j’aurais dû forcer plus fort. C’était peut-être toute de ma faute.

Y faisait froid, dans mon appart. J’ai tiré la couverte par-dessus ma tête, j’avais déjà pas envie de me lever.

L’année commençait mal. Fuck you.


Printemps. Saison du ménage, du renouveau pis toute. On était en break qu’on avait dit. Je m’ennuyais fort pareil de tes grands yeux bruns et de ton crâne rasé. Nos lèvres s’emboîtaient comme les pièces d’un casse-tête, pis j’étais au courant que j’allais jamais retrouver ça avec personne. Y’a des trucs de même qui s’peuvent pu après. Je savais pas si c’était plus facile de recommencer à neuf dans un appart avec aucunes traces de toi nulle part ou si ça te faisait du bien de t’asseoir sur le même divan où on avait l’habitude de se serrer. Aucuns souvenirs de toi chez moi. Juste mes deux chats qui traînent un peu partout, me rappelant que l’autre moitié de la meute était chez toi.

Mon lit sentait pas toi. Aucunes réminiscences de frenchs dans ma cuisine, aucuns rappels de douches collés-collés dans ma minuscule salle de bain. Y’avait toi nulle part pis desfois ça me faisait manquer d’air.

Jai peinturé les murs comme les tropiques. Besoin de soleil pis de vitamine C. Celui qui passait au travers mon rideau était pas assez pour recoller les morceaux. J’étais pas Marie Kondo pentoute, j’avais beaucoup trop d’affaires chez moi. Impossible de me délester de ma vieille paperasse. On remplit les garde-robes. Des lumières partout pis des plantes pour faire comme si.

Comme si tout allait bien.

Je me demandais souvent si t’aurais aimé ça chez nous. T’aurais sûrement été impressionné de comment je fais assidûment ma vaisselle, et de comment c’est propre dans le trois et demi. Je me demande si t’aurais fait de l’insomnie dans ma chambre, ou si le matin t’aurais insisté pour qu’on se lève pas tout de suite. T’aurais été trop ben. Mes draps, tu les aurais aimés pis t’aurais trouvé qu’y sentent moi ‘faitque t’aurais voulu rester emmitouflé dedans longtemps. Emmitouflé dans mes couvertes ou dans le creux de mon cou, chez moi t’aurais aimé ça m’embrasser le cou. Me faire des sucettes. On aurait souvent fourré le matin, après on se serait fait un café pis j’aurais peut-être même commencé à fumer juste pour le cliché.

J’aurais aimé ça te voir sourire assis à table, avec le soleil passant par la fenêtre de la cuisine. T’aurais été crissement beau avec la lumière en arrière de toi. Je sais que les ombrages dans ta face m’auraient donné l’goût de t’prendre en photo, pis ça t’aurais haï ça mais dans le fin fond ben profond t’aurais été flatté un peu. Pis qu’on s’embrasse contre mon frigidaire avant que je sorte la sriracha parce que j’en aurais acheté rien que pour toi parce que moi j’trouve ça dégueulasse. Tu m’aurais vu être responsable pis autonome, ça t’aurait peut-être excité. La passion serait revenue, c’aurait été du nouveau. Le début d’autre chose. D’une nouvelle vie. Ensemble.

Parce qu’on était faits pour être ensemble, pis je le pense encore. C’était trop naturel nous deux pour arrêter de même. C’aurait pas dû arrêter de même.

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