irl

« Le début de notre épopée qu’on savait pas qui allait finir en vrai tas de marde. »

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Des fois j’avais l’impression de pu savoir qui j’étais depuis que j’étais pu avec toi. Depuis que moi était pu nous, que moi était juste moi avec personne entre parenthèses. J’avais pu autant de répartie, j’avais pu personne avec qui la pratiquer, trop isolée. Avec toi j’étais moi, parce qu’on parlait tout l’temps. C’était de revenir à la maison pis de te jaser, d’avoir quelqu’un toujours là. Mais là j’avais pu personne. J’avais pu personne pour me compléter. J’avais pu autant de conversations. Ça faisait comme si ma personnalité commençait à fader. Enfermée chez nous je pouvais pas faire de jokes, échanger, je savais pu comment ma voix sonnait. Je me reconnaissais pu. Je savais pas non plus si j’avais aimé tant que ça la personne que j’avais été avec toi. Mais au moins dans ce temps-là j’avais un je.

Ce printemps-là je me suis cherchée beaucoup. J’me suis pas tout à fait trouvée non plus, me suis juste vue mieux. À la loupe, aux jumelles, avec un télescope trop petit pour m’être aperçue comme faut. J’ai vu mes constellations, ma carte du ciel qui me criait des défauts en pleine face. Printemps d’apprentissage. Apprendre que je suis désagréable, picky, perfectionniste, gossante, autres adjectifs pas fins qui faisaient que j’avais beaucoup de travail à faire sur moi-même.

Le printemps de force.

« Ne t’arrête jamais d’être sur le point d’éclater, et n’éclate jamais. »

J’étais déchirée entre le fait de pas vouloir être complétée, de vouloir être moi toute seule au complet en entier en entièreté de ma propre personne juste moi, avec peut-être quelqu’un en plat d’accompagnement juste pour agrémenter le au-complet que j’étais, ou d’accepter la compagnie de quelqu’un dans ma vie. J’avais eu de la misère à assumer l’envie d’avoir la tienne des fois, je voulais avoir l’air indépendante j’pense. C’était tu plus fierce d’accepter sa solitude ou d’accepter le fait d’aimer ça être deux. C’est tu correct d’avoir envie de se faire flatter les cheveux des fois? J’avais beau pouvoir étamper mon criss de gros dildo dans le miroir de la chambre, doggy c’est pas pareil sans les mains autour de la taille, la poignée de cheveux dans une main, les dents au cou.

Printemps, envoye, décalisse avec ta pluie pis ta slush brune et non bleue, avec ton soleil agace-pissette pis tes osties de vents frettes qui me donnent envie de me gunner.

Pis j’étais trop gratte-cennes pour monter le chauffage. Je me faisais des cacaos à la place pour truquer mon corps gelé. Mes mains contre la tasse bouillante, ça m’arrêtait de grelotter. C’tait que la fenêtre de la chambre était mal fermée pis j’étais pas capable de l’enclencher comme y faut mais j’me donnais comme défi de vivre avec, j’avais l’impression que c’était une métaphore qui m’endurcissait.

Voir la vie en métaphores, j’étais drôle des fois.


T’étais venu me chercher au métro. J’avais pas dit à ma mère que c’était la première fois je te rencontrais parce qu’elle m’aurait dit de pas rentrer dans le char des inconnus. Je m’étais ouvert un livre en t’attendant, m’étais dit que si tu m’apercevais au loin ç’allait peut-être te charmer. J’allais être cute. J’avais juste le premier tome d’Harry Potter dans mon sac. Fair enough. Je m’attendais vraiment à rien avec toi, ça faisait longtemps que t’essayais de me voir pis que je chockais pis je sais pas qu’est-ce qui m’a pris de finalement te dire oui mais là j’ai eu de la misère à trouver ton auto, t’as sorti ta main de la fenêtre pour me faire des signes pis je devais avoir l’air conne, parce que j’étais gênée. Je suis rentrée dans l’auto pis t’étais plus beau que j’pensais. Fuck. Tu parlais ben. J’aimais ta façon de t’exprimer, ça m’avait marquée tout de suite. J’étais moins stressée pour notre journée. Tu m’amenais chez toi. Je vivais vraiment dangereusement.

Je m’attendais à une maison un peu crasse, mais allo la bourgeoisie. Tu vivais dans le sous-sol pis c’était beau. J’aimais déjà ça chez toi. Me souviens que ç’avait pris du temps avant que tu fasses un move, même que j’ai pensé pendant un bout que finalement peut-être je t’intéressais pas. Me souviens qu’un moment donné on s’était étendus par terre pour regarder le plafond, pis on était bien. Y s’était rien passé cette journée-là, tu m’avais reconduit chez nous en passant sur une rouge.

« Tu verras sans tes warnings comme la route est toute humide. »

J’avais pas arrêté de penser à toi.

On s’était revus pas longtemps après, les deux étendus dans ton lit. Ç’avait été tellement long avant que tu mettes ta main sur ma cuisse pour me flatter. T’avais des belles mains. Ça m’excite les belles mains. Quand ton ordi a manqué de batteries ç’a été notre élément déclencheur. Le début de notre épopée qu’on savait pas qui allait finir en vrai tas de marde.

T’as mis l’ordi de côté pis on a rien dit. J’ai mis ma tête sur ton chest, tu flattais encore ma cuisse. J’ai relevé la tête juste un peu, t’étais assez proche pour que nos bouches se frôlent.

Notre premier bec.

Le début de la fin.


Été. Chaleur. Maillots de bain sueur slush puppie vodka clopes glissades parc gazon.

De ces temps-là je siestais souvent, j’essayais de changer de beat de vie pour devenir quelqu’un d’autre. Tannée d’être moi, prise dans l’néant. Je veillais tard juste pour dire. J’essayais d’me faire vivre d’autres affaires. Penser de moins en moins à toi. Penser à toi une fois par jour, juste pour dire. Pas plus.

L’été la saison des corps nus, des corps nouveaux. Des corps qui s’entrelacent, mais pas pour longtemps. Des corps qui font semblant et qui s’assemblent bien mais pas trop souvent. Les bars, les bières de dep dans les sacs bruns, les dates trop souvent pas bonnes. J’avais pas toujours pogné des bons gars, après toi. Des boys que j’aurais mieux aimé pas me souvenir de. Des beaux caves. Des gars à qui j’avais même pas pris la peine de demander la date de naissance. How crazy. Je m’étais faite ghosté des fois, pis j’en avais ghosté aussi. Fantômes du vingt-et-unième siècle, c’est nous qui hantons les maisons pis les cellphones.

Année de marde, mais au moins on était déjà à la moitié. Six sur douze. Un sur deux. Je connaissais mes fractions, toi plus moi ça égalait pu rien. Juin. Été. Soleil. Canicule. Les grandes chaleurs. Mon prochain était pas François Arnaud, mais y l’accotait. Je me fractionnais pour plaire, j’avais de nouveaux nombres à collectionner. Pas-François-Arnaud, le premier gars qui m’a fait aimer l’été, qui m’a donné le goût de me dépasser. De l’impressionner. Je suis pu une épave. On s’était parlés beaucoup avant de se voir, on s’était croisés juste une fois.

Un crush.

De mon goût, fort fort. Rencontre par réseau social de deux asociaux. On s’était cruisés. Y cruisait ben. Y’était beau. J’me trouvais belle quand y me le disait. J’ai un peu compris que oui, ça se pouvait, passer par-dessus toi.

« Je vais faire une sieste. Viens. »

Ok. Je suis arrivée chez eux, contente d’être là. Papillons dans le ventre mais Safia pas là pour les calmer. J’étais pas fan de ça les papillons, mais y me donnait des monarques un peu cutes dans le bas-ventre alors c’était correct.

Je l’ai regardé, agréablement surprise. J’avais pas su à quoi m’attendre, mon souvenir de lui était flou. Mais y’était plus beau que c’que je pensais, beau tout court. J’ai souris parce qu’y restait là à me regarder.

« T’as finis par trouver la place. »

« Google Map, mon meilleur ami. »

« Pas pour te faire chier, mais j’pense qu’y partage ton amitié avec beaucoup d’autre monde. »

« J’pas jalouse, ça me dérange pas. »

« Ah, cool. »

J’avais hésité à enlever mes souliers, me suis fiée à son accoutrement pour faire mon choix; bye les docs. Mes bottines se sont perdues dans la marée de chaussures qui bordaient le portique; ça paraissait qu’il habitait pas tout seul. Vie de colocation, c’est comment la non-solitude? J’étais contente du feeling que j’avais. J’pense que j’appréhendais. Tout était possible, tout pouvait arriver. J’appréhendais nos prochains moves. Voir si y me trouvait encore de son goût, lui. S’il était content s’il allait me cruiser IRL si on allait s’embrasser aujourd’hui me demandais comment la conversation allait couler si on allait bien s’entendre si y’allait avoir des silences malaisants ou corrects-à-l’aise mais en me disant tout ça j’ai réalisé qu’on parlait non-stop depuis le début. Ça coulait. Couler. Mon titanic. Allo, je t’apprécie et t’es beau à voir jaser comme ça. Retour de la répartie, merci d’être mon Cranium. Pas-François-Arnaud restait sérieux mais me laissait voir qu’il avait du fun. Qu’il était content. Ça me faisait plaisir. Il m’avait fait visiter le grand cinq et demi, j’avais complimenté les pièces comme si je connaissais ça. Ça l’avait fait rire. On est allés voir sa chambre en dernier, la pièce cruciale. Y’avait déjà un film qui jouait, je le connaissais pas. Becs sur fond inconnu. Merci pour la gorgée de café, merci pour les doigts sous la jupe. Merci juin pour le linge facile d’accès et l’espèce de petit feeling que tout allait bien aller.

D’un coup l’année s’enlignait moins mal.

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