le chant des baleines

« J’essayais de comprendre ce qui se passait dans sa tête, c’qui faisait que son cerveau me fasse apparaître assez fort pour que ses mains cherchent mon nom dans son téléphone. »

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1, 2, trois. Troisième pomme, ma préférée du lot. T’aurais été jaloux de lui parce qu’y était parfait. Ses cheveux doux, ses tattoos éparpillés, ses doigts de pianiste, son sourire de niaiseux. La force d'attraction gravitationnelle causée par lui direct sur moi. Je trippais dessus fort, lui pis son nom composé pis son jacket en jeans. Les boys de Montréal dormaient jamais. Pis moi j’étais là à essayer de suivre la cadence. À pas fermer l’œil, à faire semblant. D’un côté j’aimais ben ça, comment la nuit rendait invincible. J’savais pas si c’tait la faute de la lune pis son effet sur ma marée basse ou ben si c’tait pas les étoiles qui nous faisaient sentir comme si tout était possible pis plus beau pis plus toute, mais rien était pareil pis toute plus chaud. Je l’avais jamais vraiment vu le jour, ce gars-là, ça en expliquait beaucoup.

J’aurais aimé ça qu’on s’aime un peu moi pis lui, un peu plus pis un peu plus longtemps.

« Hey, viens t’asseoir avec moi si tu veux. »

On se connaissait mais on se connaissait pas vraiment non plus. Je l’avais suivi à l’intérieur du bar, y’avait pu personne d’importante pour moi à ce moment précis. Des conversations en suspens, des salutations superflues, tous les autres chemins que j’aurais pu prendre cette soirée-là, mais j’avais décidé de l’accompagner lui.

Mrs. Nobody.

1, 2, trois bières, c’avait pris une nuit pour que j’aille un kick dessus, une nuit de trop peut-être. Une nuit blanche à se regarder dans le blanc des yeux.

« Fuck, y’est déjà quatre heures du matin.. j’pense que je devrais retourner chez nous. »

J’avais dit ça à regret, on s’était serrés au revoir aux trois quarts de chez lui, au quart de chez moi. Me demandais déjà c’allait être quand la prochaine fois. L’alcool encore dans le sang, le feeling de flotter un peu. Je sentais encore ses bras qui m’avaient entourée, j’entendais en repeat son accent me souhaiter bonne nuit comme un vieux discman rouillé. Dehors ça sentait l’été. Le vent frais d’août. Les quelques voitures qui passaient vite à côté de moi, contraste avec mon pas traînant. Mes mouvements en canon avec la métropole qui continuait de grouiller, les oiseaux qui allaient bientôt se mettre à chanter.

Aux quatre quarts de chez moi, ouvrir toutes les portes qui menaient à mon lit pour m’effoirer dessus avec le plus grand sourire dans ‘face. Tous les débuts menaient à une fin, mais les premiers balbutiements du je-ne-sais-quoi valaient la peine de se mentir un peu des fois.

Les jours passaient.  

Ça arrivait qu’y m’texte en premier. J’essayais de comprendre ce qui se passait dans sa tête, c’qui faisait que son cerveau me fasse apparaître assez fort pour que ses mains cherchent mon nom dans son téléphone. Y’était compliqué pis y l’était pas. Je compliquais sa simplicité, mais c’parce que c’était éphémère, son envie de moi. À quoi y pensait quand y m’oubliait toute une journée ou ben c’tait quoi qui faisait qu’y pensait à moi, pis est-ce que ça l’faisait sourire? Y compliquait ma simplicité en se crissant de moi par boutes.

Je me demandais vraiment comment j’arrivais à m’ennuyer d’un gars j’avais vu une fois.


Je sais pas si t’aurais été jaloux en fait. Je sais pas tu faisais quoi, toi, pendant ce temps-là. Pendant que je t’oubliais, que je passais à autre chose pis que je nous vengeais. Je sais pas si c’était déjà fait de ton côté, si tu te perdais dans les yeux d’une autre ou si t’étais justement en train de penser à moi.

J’avais pas penser à toi quand j’avais été avec lui, je pensais jamais à toi quand j’étais pas chez moi.

Arrivée chez nous c’tait une autre histoire. Même si mon appartement retenait aucun souvenir de nous, c’est comme si j’arrivais à y voir ce qu’on avait pas eu. Ça fait que j’aimais mieux sortir, être partout sauf icitte. Partout sauf tu’ seule. Six mois déjà. L’été au je.


Flashback de notre seule date, température pièce même en été. Indécise, pas capable de trouver les mots. Y perturbait ma température, chaud en dedans. Feu de camp, son souffle pas assez proche j’me demandais toujours ses mains étaient où. Poils qui hérissaient, dans l’attente d’une caresse. Y’avait enfin mis sa main sur ma cuisse pendant que mes oreilles écoutaient autre chose, j’entendais rien mais lui m’entendais sûrement respirer de plus en plus fort. Le bruit dans les écouteurs en disait long à notre place, comment on avait même pas besoin d’entendre la même chose pour être sur la même longueur d’onde. Finalement sa main sur mon dos entre deux tounes, innocente le long de ma colonne vertébrale, un va-et-vient gêné. Des heures de petits pas, comme si on était pas pressés. Comme si on était corrects, comme si tout allait ben.

Y me rappelait le chant des baleines, les jeux de cartes pis la rue Rachel. Un pot-luck de feelings, une courte-pointe de mains sur mon corps, de sa bouche sur la mienne. Un mood board de nous deux qui essayaient d’étirer notre nuit le plus possible comme si on l’savait que c’était la dernière. Changement de décor,

le divan de cuirette était ben loin vers la gauche arrivés sur le balcon.

Bruits nocturnes,

vue tamisée,

on chuchotait même si personne pouvait entendre. On était encore loin l’un de l’autre, mais quand y’a pu rien autour les distances divaguent, sens dessus dessous, on était proches même si on était pas à côté.

Troisième scène, nouveau décor. Le dernier de la soirée. Grand lit, draps confortables. Le lever du soleil nous avait fait remarquer que Morphée nous avait oublié. Heureux. Peaux qui se touchaient enfin, les vêtements par terre. On se voyait presque nus déjà avant même de s’être frenchés pour la première fois. Chairs qui s’habituaient à être ensemble, qui commençaient à s’apprivoiser, à s’apprécier. Se flatter, jaser, souvenirs, flatter plus proche du, flatter plus proche de ma. Ses doigts qui chatouillaient mon ventre, sa bouche qui se décidait à goûter mon cou. La lenteur de la soirée commençait à nous gagner, nos lèvres s’étaient trop cherchées on s’est embrassés.

Changement de cadence. Crescendo. Tout était redevenu rapide, c’était la journée qui nous rattrapait l’avant-midi qui nous pressait, les minutes passaient comme des secondes, on avait pu assez de temps. Le départ qui arrivait. Mains baladeuses, qui agrippaient toute, qui avaient peur de perdre. Fourrer. Frencher. La bouche jamais assez pleine, l’annonce de la fin proche. Des mots sur le bout de la langue ravalés en même temps que lui. Après la gorgée, je me sentais vide

vide

vide.

Pu assez de temps pour parler, mon cerveau roulait tellement vite qu’il savait pu vraiment ce qu’il voulait dire. Bafouiller, zozoter. S’endormir trop vite pour penser à se coller.

Dernière scène. C’était l’après-midi, retour au premier décor. Le divan de cuirette avec lui dessus.

J’étais partie.

La télé jouait encore de la magie, moi je disparaissais sans un bec.

Ç’allait être ma fête bientôt.

Pendant un instant, accepter que j’allais peut-être être toute seule toute ma vie. Pendant un instant, accepter ça. Contempler l’idée d’aimer tout le monde mais pas une personne en particulier. Accepter de jamais être aimée non plus. Me contenter d’être souvent aimée à moitié, et dire ok.

La peur de trouver personne, parce que j’aurais jamais pensé devoir chercher après toi. Tu m’avais comme faite une jambette en me laissant comme ça. Seule contre le monde. Quand on avait toujours été nous deux. Me pitcher tête première dans l’océan des tous-seuls. Des pas-accompagnés. Des sans-plus-one.

Accepter le défi.

En m’en allant de mon côté j’avais accepté de me perdre sans savoir si j’allais finir par me retrouver. Des fois j’me disais ça y est j’va être toute seule. J’vais vivre d’amours éphémères. Parce c’est comme si personne m’intéressait assez, pis ceux qui m’intéressaient assez je les intéressais pas. Courir après le temps. Courir tout le temps. J’aime pas courir, je fais de l’asthme. J’aimais pas me faire rejeter non plus, faut toujours rejeter en premier. Pas capable de faire ça non plus. Capable de rien dans l’fond.

Juste vouloir bâtir de quoi avec quelqu’un même si c’tait pas pour longtemps,

Ma fête est venue.

Vieillir d’un an. Aucun bonne fête de toi. Je t’avais bloqué anyway. Ma mère qui m’avait appelé, des ballons au travail. Tout le monde occupé, j’avais rien organisé. Peur que personne serait venu.

Avoir. Peur. Tout l’temps.

Embarrée dans mon appartement, la lumière qui passait pas même au huitième mois. Les dms pleins, mais la motivation à zéro. Assise sur le divan du petit salon, mur corail pour la vitamine C. Pas de resto pour surveiller mon budget. Pas de gâteau pour faire comme si c’était une journée comme les autres. Ce l’était.

La terre continuait de tourner, mes voisins en haut faisaient le party. Je faisais comme si c’était un peu pour moi. Toute continuait de bouger pour moi.

On vivait pour moi aujourd’hui.

Pis quand minuit est arrivé, j’ai recommencé à vivre pour les autres.

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