volume I

« Regarder le monde mourir ensemble. »

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L’été qui tirait à sa fin. Moi qui t’avais dit bonne fête, toi qui me parlais pu. On s’était chicanés quelque part en juillet. T’avais fini mon puzzle et t’avais pleuré que tu m’avais dit. Août commençait avec les crèmes à ‘glace qui coulent, le fond de teint qui colle pis les canicules qui donnent envie de buzzcuts.

J’avais arrêté de penser à toi pis ça faisait du bien. T’existais pu vraiment, t’étais en stand-by. J’étais ben toute seule dans mon appart. Mon. Appart. Ma maison, mon chez-moi,

home.

J’avais arrêté de te chercher dans les blagues que j’entendais à la télé, ou dans le visage des inconnus que je croisais dans l’autobus. J’avais finalement terminé la série qu’on avait commencé ensemble, je t’attendais pu. Jamais le soleil de ma cuisine allait t’illuminer, tu verrais pas la femme que j’étais devenue. J’étais moi sans toi. J’arrivais à être un peu heureuse, des fois.

Cupidon qui scrollait instagram à ma place, parce que oui je pensais pu à toi mais fallait quand même j’essaie de te remplacer un peu. Un petit blond bleaché qui m’aidait à t’oublier. Y me faisait penser rien qu’un peu à toi à cause de sa carrure carrée, de ses grandes paumes pis de ses yeux bruns marde.

J’étais stressée d’aller le voir pour la première fois, homo sapiens animal asocial. On s’était chockés souvent avant de trouver un moment qui nous convienne aux deux, la routine. J’m’étais mise cute, les cheveux propres pis assez de makeup pour calmer ma dysphorie corporelle. J’allais tu ressembler à c’qu’y avait en tête? Y’allait tu ressembler à l’idée j’me faisais de lui? Des grandes questions qui se dissipaient vraiment rapidement quand on se donnait la première bise.

Métro, autobus, marche, chez lui. Escalier, porte, salut, salon. J’avais pas eu de papillons avec lui, peut-être parce que c’était trop une tentative de toi. Trop familier. Je te cherchais pas dans lui, mais c’était comme si tu me regardais au travers ses yeux. Il m’avait accueilli avec un verre de vin rouge bourgogne qui tachait les dents mauve pis les lèvres comme un lipsyl aux framboises, verre de vin pour faire comme si on était amis un peu. J’aurais sûrement aimé ça être son ami, mais y’en avait déjà assez, mais on se parlait quand même comme si, y jouait dans mes cheveux pis m’disait qu’on allait se marier. Pousser la blague à l’extrême, être au courant tous les deux que nos chemins allaient rapidement se séparer. J’ai calé mon verre qui venait clairement du Ikea, fuck les coupes, pour qu’il m’en remplisse un autre. Again and again.

« Fill all my holes. » Volume I

Ç’allait être quand le bon moment pour qu’on change de pièce? On testait notre conversation pour voir si nos personnalités concordaient assez pour la suite de la soirée, mais c’tait dans la chambre anyway que les murs allaient s’effondrer.

« T’es tellement belle. »

« T’es vraiment beau. »

La gêne qui s’en allait avec les premiers sons de la télé qui faisait jouer The Office, les vêtements qui partaient vite dans le désordre du plancher. Appartement d’un gars début vingtaine, les piles de linge, les kleenex, le parfum pour escamoter l’odeur d’été pis de sexe.

C’était doux, ça coulait, on aurait dit, son corps était chaud pis son sourire aussi. J’aimais ça quand y me serrait dans ses bras comme si c’était l’affaire la plus normale du monde, peut-être que ce l’était aussi.

Homo sapiens, animal amoureux.

C’tait dans les mots qu’il disait ou ben dans la manière qu’y avait d’me regarder. Sa façon de prendre le derrière de ma tête avant d’embrasser mon front. Quand y gémissait dans ma bouche ou ben qu’il embrassait mon cou, qu’il tremblait quand j’embrassais le sien. À la vitesse qu’il prenait pour enlever mes vêtements, quand y me détaillait des yeux en mordant sa lèvre. Me faire sentir spéciale pour une couple d’heures.

Ça faisait changement de toi qui me faisait douter de ma place tout l’temps. J’me demandais toujours si t’étais content que je sois là, si t’avais envie que je m’en aille ou si tu me regardais encore des fois. L’habitude avait eu le don d’enlever la magie, j’étais tellement rendue une partie de ta routine que tu mordais pu ta lèvre en me regardant, anyway moi je prenais pu le temps de me mettre cute dans notre quatre et demi. On s’était aimés tellement fort qu’on avait pas fait attention, quand j’avais voulu tout rattrapé y’était trop tard. T’avais déjà abandonné on aurait dit, ou ben c’tait moi qui t’avais poussé à boutte. T’étais à boutte de moi, ça nous a tués.

Lui pis moi on faisait comme si on s’aimait au complet pour de vrai, je regardais dans le fin fond de ses yeux qui brillaient un peu pour moi des fois. On s’endormait les doigts enlacés, il serrait ma main fort fort entre deux rêves pis pendant un bout y m’appelait chaque soir pis au début j’aimais ça pis j’aurais dû aimer ça plus longtemps, m’semble, mais j’étais toujours trop mêlée. Ça m’faisait tripper pourtant les coups de téléphones à minuit, me demander de venir passer la nuitte pis toutes ces niaiseries-là. Toujours de quoi qui clochait avec moi, quand c’tait pas l’autre qui était pas down c’tait moi qui trouvais une façon de toute gâcher.

Sayonara, retour à la case départ.


Je rêvais souvent à la fin du monde. La fin de l’humanité, de la civilisation, de la terre, ou juste ma fin à moi. Ma propre mort. Une balle dans le chest, un couteau dans les côtes, tomber d’une falaise, explosions, bateau qui chavire. Moi qui essayais de remonter à la surface mais j’étais pas capable, mon souffle était court grosse gorgée d’eau les poumons tellement pleins moi qui explosais. Quelqu’un qui venait dans ma chambre mettre la couverte par-dessus ma tête pis serrer fort, pas capable de respirer, toute devenait noir, ça faisait presque du bien le cœur qui s’arrêtait. Fading au noir, rien voir les yeux ouverts la bouche grand ouverte mais pu rien qui passe. J’éclatais doucement. La Terre qui sautait. Boom. Attentats. L’armée dans les rues qui nous tirait dessus. Moi qui me sauvais parce que je l’savais que quelqu’un me courrait après. Je me faisais attraper. Retour en arrière, une deuxième chance de m’en sortir.

Des fois j’pouvais mourir plus qu’une fois dans une même nuit.

Pis t’étais toujours la première personne que je cherchais, souvent même la seule. J’m’en foutais un peu de toute le reste, j’voulais être sûre que toi tu sois correct. Qu’on soit les deux. Quand j’arrivais à te trouver on pouvait regarder le monde mourir ensemble, les arbres qui pognaient feu pis le ciel qui devenait noir. Une fois, j’me souviens, c’était une parade dehors. Une fanfare qui annonçait la fin de toute. Y’avait d’la grosse musique, des tambours pis des cloches qui résonnaient. J’étais sortie dehors, l’air était sec pis le ciel trop rose. Presque rouge. Un couché de soleil en plein après-midi. Le défilé me rendait anxieuse, c’était des géantes personnes habillées en noir qui le runnait. Une planète venait s’écraser sur la Terre. On l’attendait patiemment, mais moi je pouvais pas relaxer parce que t’étais pas là. J’avais de la misère à pogner du signal, tu répondais pas. T’étais où? Je comprenais pas pourquoi tu me cherchais pas.

T’étais tu vraiment capable de mourir sans moi?


Me retenir de déprimer. J’la voyais venir, la criss, à m’empêcher de bouger, de faire des affaires. Je goûtais pu rien, j’avais pu de sensations. Toute était plate, mon vagin engourdi, mes mains inutiles. Les papilles mortes, pis mes chansons préférées qui faisaient pu aucun sens. Pu aucun plaisir dans rien, je me robotisais. J’avais le goût de dormir à l’infini, pis de toute abandonner.

U+221E

Pu me réveiller. Mais pas dormir non plus. Genre m’endormir ben sec pour pas avoir le temps de trouver mon lit trop grand. Trop froid. Trop toute.

Une vie remplie d’adverbes, vivre d’exagérations.

TROP

TROP

TROP

Drama Queen sans le vouloir, reine de personne. J’m’étais forcée à sortir de la maison, m’étais mise belle pour me motiver. Mais j’me trouvais jamais assez belle. La seule affaire qui m’encourageait à sortir c’tait la possibilité du regard des autres posé sur moi. Je vivais pour des inconnus, je servais à rien sinon. J’avais pogné l’habitude de survivre dans l’espoir que tu me remarques ou que tu penses à moi. Pis ça arrivait pas souvent. ‘Fait que j’étais morte la plupart du temps. Je m’étais mise une belle robe pour m’acheter un soya glacé. Je goûtais rien mais à cause des pépins je savais qu’on m’avait mis des framboises au lieu des cerises.

J’haïssais ça les pépins.

La vie se moquait de moi.

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